Paiement fractionné : entre outil de gestion budgétaire et risque de surendettement
Cet article sur le paiement fractionné a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec La Banque Postale. Retrouvez d’autres articles sur l’inclusion financière et numérique ici !
Il sera possible, dès l’année prochaine, de payer un billet de train en plusieurs fois. A la suite d’un appel d’offres lancé au printemps dernier, la SNCF vient en effet de présélectionner trois partenaires pour le développement d’une solution de paiement fractionné. Si cela ne devrait concerner pour l’instant que certains types de billets (comme les réservations de groupe), la décision de l’agence ferroviaire s’inscrit dans une tendance plus large touchant de nombreux secteurs – le Buy Now, Pay Later (achetez maintenant, payez plus tard).
Concrètement, il s’agit un crédit proposé en ligne ou en magasin, qui permet d’échelonner le remboursement d’un achat en 2, 3 ou 4 fois sur trois mois. La procédure, beaucoup plus simple que pour un crédit classique, « prend seulement quelques secondes » selon les déclarations de Marc Lanvin, directeur général adjoint de Banque Casino, aux Echos.
Apparu en France en 2010, le paiement fractionné s’est notamment développé à la suite de la loi Lagarde, dont le cadre légal strict ne s’applique pas aux crédits d’une durée inférieure à 90 jours. Ce manque de régulation explique à la fois le succès du paiement fractionné – en 2021, 44% des Français.es déclaraient l’avoir utilisé selon un sondaged’Harris Interactive – et les critiques dont il est parfois l’objet.
Alors que la directive européenne sur le crédit à la consommation s’apprête à être révisée, le média Les Bons Clics revient ici sur les avantages et les points de vigilance liés au BNPL.
Un outil de gestion budgétaire dans un contexte d’inflation
Pour échapper à la loi Lagarde, le paiement fractionné ne doit comporter aucun frais – ou des frais d’un montant « négligeable » – pour le consommateur et s’échelonner sur moins de 3 mois. Il s’agit alors d’une facilité de paiement, qui peut être gratuite ou payante selon les commerçants.
La startup Alma propose par exemple aux commerçants de prendre entièrement en charge les frais du crédit – auquel cas la procédure est gratuite pour le consommateur – ou d’en partager les frais avec ce dernier. Dans ce cas, le tarif pour le consommateur peut varier de 0,7% à 2,2% du montant selon le nombre d’échéances. Pour les commerçants, il oscillerait entre 2,1% et 2,7%.
A noter : s’il suffit d’une carte bancaire pour recourir au paiement fractionné, il est possible que cela ne marche pas si :
- Le consommateur possède une carte à autorisation systématique (Maestro, Electron) ;
- Les analyses automatiques de la banque soupçonnent une fraude.
Un sondage d’Harris Interactive pour Oney (filiale des groupes BPCE et ELO proposant un service de paiement fractionné) estime qu’aujourd’hui, 42% des Européens verraient dans le paiement fractionné un nouvel outil de gestion budgétaire.
C’est également ce que semble penser Christophe Fanichet, à la tête de SNCF Voyageurs, qui déclarait au Parisien « [qu’à] partir du 20 de chaque mois, le premier motif de refus de paiement est ‘fonds insuffisants’. Le paiement en plusieurs fois permettrait par exemple que ces clients puissent tout de même acheter leurs billets ». Une opportunité d’autant plus intéressante pour des services de mobilité, dont les tarifs peuvent rapidement varier à l’approche de la date de départ.
Le contexte inflationniste peut également justifier le recours au paiement fractionné : entre juillet 2021 et juillet 2022, l’inflation est passée de 1,5% à 6,8% – avant de ralentir légèrement à 6,5% en août. Si ces taux sont inférieurs à ceux de la zone euro, plus de la moitié des Français anticiperaient un recours plus fréquent au découvert dans les mois à venir, selon un sondage mené par Yougov pour MoneyVox début août.
Paiement fractionné et risque de surendettement
Un rapport de mission remis au Parlement en octobre 2021 voit dans le paiement fractionné un « risque de tomber dans la spirale du surendettement », et recommande d’agir « sans délais afin de renforcer le cadre réglementaire applicable aux paiements fractionnés (…) ».
Comme précisé précédemment, le paiement fractionné échappe en effet à la réglementation des crédits à la consommation s’il ne comporte aucun frais – ou des frais d’un montant négligeable – et s’il s’échelonne sur 90 jours ou moins.
Premier bémol, donc : l’entreprise fournissant la solution de paiement fractionné n’est pas tenue de « communiquer une information détaillée sur le service », précise la Banque de France. Le manque d’informations des consommateurs finaux comprend plusieurs risques, notamment concernant les taux d’intérêt ou en cas de défaut de paiement.
Le deuxième problème tient à la solvabilité des emprunteurs, c’est-à-dire leur capacité (ou non) à rembourser le crédit. En raison du vide réglementaire autour du paiement fractionné, les établissements créditeurs ne sont pas tenus de vérifier la capacité de remboursement des emprunteurs. Autrement dit, il est possible de recourir au paiement fractionné pour les personnes en situation de surendettement, ou plus simplement de multiplier les crédits et les échéances liées.
« Trois-quarts des personnes en difficultés financières, qui viennent nous voir, utilisent le paiement fractionné. En général, ils commencent à utiliser le BNPL après un élément de rupture, comme la perte d’un emploi, ou un divorce. Et, au lieu d’adopter le bon réflexe, c’est-à-dire de renégocier un contrat de prêt ou monter un dossier de surendettement, ils commencent à utiliser le paiement fractionné, et se retrouvent vite débordés sous les différentes mensualités qui s’accumulent. »
Nathalie Dupre-Audo, conseillère en économie sociale des familles à l’UDAF 35, à Ouest France.
La directive européenne en cours de révision
En juin dernier, les 27 états-membres de l’Union européenne se sont accordés pour réviser la directive européenne relative au crédit à la consommation, qui date de 2008. L’objectif : couvrir toutes les formes de crédit à la consommation, peu importent leur montant et leur durée.
Matthieu Robin, analyste banque et crédit de l’association UFC-Que choisir, déclarait récemment au Monde que cette directive « devrait se faire à l’automne, avant une transposition d’ici deux ans en droit français. C’est une étape indispensable pour assainir le marché ». Le média Les Bons Clics vous en tiendra informé dans cet article.
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