« Intégrer les services bancaires en ligne dans la formation, c’était primordial » – Margaux Andrade, Régie de Quartier de Carcassonne
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec La Banque Postale, et fait partie d’une série d’articles destinés à accélérer l’inclusion financière par le numérique. Retrouvez les autres articles ici !
Depuis sa création en 1998, la Régie de Quartier de Carcassonne travaille en lien avec les habitants pour favoriser l’insertion professionnelle et créer du lien dans les quartiers où elle intervient. Elle emploie aujourd’hui une centaine de salariés en insertion et déploie, depuis plus d’un an, des activités d’inclusion numérique.
C’est dans ce cadre que la Régie a créé la Boîte à Action Sociale, une entreprise d’insertion dédiée à la lutte contre la précarité énergétique ainsi qu’à l’accompagnement des habitants vers le numérique. Si ses permanences, ses ateliers et ses formations numériques ont notamment vu le jour en raison de la dématérialisation des démarches administratives, la Boîte à Action Sociale s’intéresse également au rôle du numérique pour faciliter la gestion d’un budget.
Comment une Régie de Quartier peut-elle structurer une offre de médiation numérique ? Comment et pourquoi intégrer l’accompagnement budgétaire dans des formations numériques ?
C’est avec ces questions en tête que le média Les Bons Clics s’est entretenu avec Margaux Andrade, encadrante numérique et précarité énergétique à la Régie de Quartier de Carcassonne.
Les Bons Clics : Quelles sont les actions mises en œuvre par la Régie de Quartier de Carcassonne ? Quelles sont celles qui luttent contre la fracture numérique ?
Margaux Andrade : Cela fait plus de vingt ans que notre Régie de Quartier travaille en lien avec les habitants de cinq quartiers de Carcassonne pour les aider à s’insérer socialement et professionnellement, et pour les accompagner dans leurs démarches administratives. En matière d’insertion professionnelle, nous distinguons plusieurs activités.
Les chantiers d’insertion d’une part (espaces verts, entretien et peinture) : il s’agit, pour les personnes qui en sont très éloignées, de faire un premier pas vers l’emploi et de les accompagner sur les démarches sociales, sur le permis de conduire, sur le numérique. Nous avons un autre dispositif : le chantier Tremplin : un mois durant, les habitants d’un quartier deviennent salariés et valorisent leur quartier en fonction de leurs envies et des possibilités.
Les entreprises d’insertion, d’autre part, sont des structures pour faire monter en compétences les personnes accompagnées – relativement moins éloignées de l’emploi que celles engagées sur les chantiers. La première entreprise d’insertion se dénomme la Boîte à Linge. C’est une laverie solidaire pour les habitants ou pour des structures comme les maisons de retraite, avec un grand local dans lequel on peut également réaliser des ateliers, qu’ils soient numériques ou non.
Pour la seconde entreprise d’insertion, à savoir la Boîte à Action Sociale, j’encadre trois salariés avec lesquels on intervient sur la précarité énergétique (factures d’électricité, d’eau…) et le numérique.
Les Bons Clics : Comment sont structurées vos offres d’inclusion numérique ?
Margaux Andrade : Notre projet d’inclusion numérique est né d’un constat du service médiation. Ce sont nos médiateurs et nos médiatrices qui sont en contact avec le plus de personnes, et ils ont remarqué l’exclusion provoquée par le numérique, le manque d’autonomie et le manque de connaissances des droits. Et ça avance très vite du côté des administrations : il faut savoir scanner, envoyer un mail, accéder à ses comptes, etc. Dans les quartiers où l’on intervient, avoir une adresse mail, se connecter à la Caf… C’est compliqué pour beaucoup d’habitants.
On a donc créé la Boîte à Action Sociale. Avec les confinements, les ateliers ont été compliqués à mettre en place mais, en février dernier, on a pu ouvrir notre espace numérique. Nous y organisons des permanences trois matinées par semaine, de neuf heures à midi. Les personnes viennent sans rendez-vous : on met à disposition des ordinateurs et des tablettes, mais elles peuvent également venir avec leur smartphone.
L’objectif, c’est d’être aidé dans ses démarches en ligne ou tout simplement d’apprendre. Nous utilisons les supports des Bons Clics dans les deux cas, qu’il s’agisse des démarches Caf, Ameli, Pôle emploi ou des compétences numériques de base.
Les lundis après-midi, on organise des ateliers de deux heures et demie sur les différents quartiers. Il s’agit, pour les moins mobiles par exemple, d’avoir une aide disponible près de chez eux. Cette semaine, notre atelier était dédié à la sécurité en ligne, les suivants seront consacrés au traitement de texte, à la Caf et à la création d’une boite mail.
Aussi, tous les jeudis après-midi, on organise un cycle de formation de quinze séances de deux heures et demie – « Je m’investis ». Le but, c’est de travailler avec des personnes qui n’ont jamais touché un ordinateur pour les faire monter en compétences sur tous les aspects du numérique. Ce sont des groupes de dix personnes, dont quatre salariés en insertion, que l’on divise en deux sous-groupes de cinq personnes. S’il y a un bon investissement de la personne lors de la formation, nous lui remettons l’ordinateur à la fin des séances pour 20 euros.
Nous travaillons avec elles sur la découverte de l’ordinateur, la création d’une boîte mail, les démarches administratives… Une des séances, à la fin de la formation, est consacrée à la gestion du budget et s’intitule : « Je découvre les applications pour mon budget et faire des économies ».
Les Bons Clics : Comment se déroule cette séance en particulier ? Quels sont les retours des apprenantes et des apprenants ?
Margaux Andrade : Nous essayons d’abord de de savoir quelle est leur banque : beaucoup des personnes en formation sont des clients de La Banque Postale, mais tout le monde ne l’est pas. Nous leur demandons donc de ramener leurs identifiants, ou un relevé de compte, et on leur fait installer l’application de leur banque et nous leur apprenons comment s’en servir.
On présente également d’autres applications, comme PiloteBudget et Pilote Dépenses pour la gestion du budget, et celles qui leur permettent de réaliser des économies, comme avec les paniers anti-gaspillage de TooGoodToGo.
Pour nous, intégrer les services bancaires en ligne dans la formation, c’était primordial : on en a de plus en plus besoin. Pour prendre un rendez-vous avec un conseiller, pour obtenir un RIB, … On se déplace plus comme avant, d’autant plus depuis la crise sanitaire.
Notre espace numérique est au siège social mais, dans les autres quartiers, on n’a pas forcément d’espace dédié. C’est pourquoi mon équipe reçoit également certaines personnes en individuel, et nous constatons bien souvent que l’accompagnement budgétaire est un besoin important.
Nous travaillons d’ailleurs systématiquement le budget avec les personnes en précarité énergétique. C’est important de voir pour nous comment ça se passe : si la personne est en précarité, c’est qu’il y a un impayé. On peut donc faire une demande de délai de paiement et là, ça bloque. Beaucoup n’ont pas de relevé de comptes ou ne savent comment les obtenir. Dans ces cas-là, on sait qu’on va basculer sur le numérique.
Pour le moment, la formation aux services bancaires en ligne ne fait pas partie des ateliers du lundi après-midi, mais nous sommes en train de concevoir le programme de l’année prochaine, et on réfléchit à proposer ces ateliers.
Les Bons Clics : Dans quelle mesure croisez-vous vos démarches d’accompagnement vers l’emploi et vos actions d’inclusion numérique ?
Margaux Andrade : Les salariés en insertion sont accompagnés par un conseiller en insertion professionnelle (CIP). Une conseillère en économie sociale et familiale (CESF) les accompagne également pour toutes leurs démarches sociales, qu’il s’agisse du logement, de l’énergie ou encore du budget.
Si on s’aperçoit que le salarié a des difficultés numériques, il peut aller à la Boîte à Action Sociale pour réaliser un diagnostic numérique avec Les Bons Clics. Ensuite, et en fonction, on lui propose des ateliers qui nous semblent pertinents, et la personne peut venir si cela l’intéresse. Et, comme je le disais, quatre salariés en insertion suivent les formations « Je m’investis ».
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