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Inclusion numérique en outre-mer : Entretien avec Pascal Pierre-Louis, président de la Fédération Le Park Numérique

Cet article fait partie d’une série destinée à massifier l’accompagnement vers le numérique en France.

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« Fin 2020, le taux d’éligibilité à la fibre des locaux situés dans les départements de Guadeloupe (22 %), Guyane (26 %) et Martinique (21 %) était très largement inférieur à la moyenne nationale (60 %). La fibre optique n’est pas disponible à Mayotte ». Ces chiffres, extraits d’un rapport du groupe de réflexion Terra Nova en avril dernier, mettent en avant la fracture numérique dans les territoires d’outre-mer. Ou, plutôt, les fractures numériques : à la Réunion, où 83% des locaux sont éligibles à la fibre, l’illectronisme touche 25% de la population (contre 17% à l’échelle nationale).

Créée en 2017 en Guyane, l’association le Park Numérique est devenue, en 2020 et sous l’impulsion du ministère des Outre-mer, et des membres fondateurs Rony Rousseau, Grégory Guillou et Pascal Pierre-Louis, une fédération présente dans son territoire d’origine ainsi qu’en Guadeloupe, à la Réunion, en Martinique, à Mayotte, en Polynésie française et en Île-de-France. Avec l’ambition de « faire du numérique un levier d’apprentissage et d’insertion socio-professionnelle », la fédération déploie aujourd’hui des programmes d’acculturation et de formation au numérique.

Quelles sont les spécificités de la médiation numérique dans les territoires d’outre-mer ? Quelles activités déployer en conséquence ?

C’est avec ces questions en tête que le média Les Bons Clics s’est entretenu avec Pascal Pierre-Louis, le président de la fédération du Park Numérique.

Les Bons Clics : Comment s’est développée la fédération du Park Numérique ?

Pascal Pierre-Louis : Je suis un des membres fondateurs de la fédération, mais l’initiative est née lors d’un concours national organisé à la Station F avec Outre-Mer Network. Un Polynésien  y avait présenté un concours de création de robots et, à l’issue de sa présentation, je lui ai proposé de se rencontrer pour voir comment pousser l’idée dans d’autres territoires. Il m’a parlé de Grégory Guillou, son homologue dans les Antilles, et nous nous sommes rencontrés tous les trois.

Le lendemain, nous avons créé EROM (Ecole Robot Outre-Mer) qui a été sélectionné par le ministère des Outre-mer dans le cadre de sa trajectoire 5.0* lancée en 2019. Seul bémol : le projet était porté par une entreprise. L’association Le Park Numérique, créée en 2017 en Guyane, n’avait pas cette contrainte.

Et pour que notre projet soit effectif dans les DROM (ndlr : départements et régions d’outre-mer) et pas seulement en Guyane, nous avons décidé de monter une fédération d’associations. Elle a vu le jour début 2020 : nous avons assemblé des entités locales qui ont adhéré à la fédération, et nous intervenons depuis en Guadeloupe, en Guyane, à la Réunion, en Martinique, à Mayotte, en Polynésie française et en Île-de-France.

Plusieurs partenariats nous ont permis de nous développer rapidement :

  • Avec l’association EdTech France d’abord, que nous avons rejointe l’année dernière ;
  • Nous travaillons également avec Softrobotics et ERM Automatismes : nos programmes de sensibilisation à la robotique et à la programmation utilisent leur robot NAO ;
  • Nous avons également été lauréats d’un appel à projets de la Fondation AFNIC et la Fondation Air Liquide en 2020, pour développer des ateliers numériques à Papaïchton, dans la forêt amazonienne de Guyane, à destination des jeunes de 8 à 15 ans ;
  • Un autre appel à projets en Île-de-France nous a permis de sensibiliser 100 jeunes des QPV (ndlr : quartiers prioritaires de la ville) d’Argenteuil ;
  • La Fondation Orange Océan Indien, pour un programme de sensibilisation au numérique pour 24 jeunes en insertion de Mayotte.

C’est ensuite que nous avons découvert  WeTechCare, ce qui nous a permis de former nos formateurs, en Guyane et dans l’océan Indien, pour qu’ils puissent utiliser au mieux les ressources pédagogiques de la plateforme Les Bons Clics. Ils commenceront d’ailleurs très prochainement leurs premiers ateliers.

*Cette trajectoire est nommée d’après ses cinq objectifs : zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole, zéro exclusion, zéro vulnérabilité.

Les Bons Clics : Votre projet s’articule originellement autour de l’initiation à la robotique pour les plus jeunes. Quand avez-vous commencé à vous intéresser à l’inclusion numérique de manière plus globale ?

Pascal Pierre-Louis : Notre ADN, c’est en effet d’utiliser les robots comme vecteur de sourcing, détection et de sensibilisation. Nous utilisons la neuro-éducation, la méthode Sadky, pour motiver l’engagement, de mettre en valeur le potentiel des jeunes, et de leur faire passer une étape de pré-qualification, dans laquelle on retrouve les outils de Pix et des Bons Clics. . Ensuite, ils suivent un parcours lié à l’acquisition des bases du numérique et de ses métiers : nous les orientons vers des formations certifiantes de 7 à 10 mois réalisées par nos partenaires OF (ndlr : organismes de formation) et les accompagnons vers l’emploi.

Le numérique  est transverse à tous les secteurs d’activité, notamment les métiers de développeur, de designer web… Ce sont des métiers où il y a beaucoup d’opportunités.

L’inclusion numérique, ou la lutte contre l’illectronisme au sens large, est apparue lorsqu’on a commencé à faire un travail de terrain conséquent. A travers ces actions, on a remarqué qu’il y avait des sérieux problèmes d’illectronisme, contre lesquels la fédération devait impérativement agir. Nous avons réfléchi à de nouvelles activités, et c’est ainsi qu’est née l’idée du Park Num Lab Tour dans les DROM.

Il s’agit de formations itinérantes à destination des populations des territoires enclavés. Grâce à un bus équipé d’ordinateurs fixes et portables, et en utilisant les ressources Les Bons Clics, nous pourrons aller dans ces territoires et réaliser des journées de formation aux outils numériques. On propose également aux communes de nous fournir une salle : nous y amenons le matériel, et nous accompagnons différentes typologies de publics sur la journée.

Une autre partie de nos actions d’inclusion numérique porte sur l’e-parentalité. Nous avons constaté que de nombreux parents étaient complètement perdus avec Pronote, ce qui les éloignait de l’éducation scolaire de leurs enfants. C’est pourquoi nous avons sélectionné, en partenariat avec Action Logement, une quarantaine de familles sur chaque territoire afin de former les parents au numérique et leur permettre de soutenir leurs enfants tout au long de leur scolarité.

Et, pendant les vacances scolaires, on équipe les locaux de résidences sociales, et on propose tout un programme d’acculturation au digital et de maîtrise de l’outil informatique. C’est un travail que l’on  mène  avec les collectivités départementales de la Réunion et de Mayotte, ainsi qu’avec l’EPCI (ndlr : établissements publics de coopération intercommunale) des communes du Sud en Martinique.

Les Bons Clics : La fracture numérique est-elle la même dans tous les territoires où vous intervenez ?

Pascal Pierre-Louis : Nous adaptons nos formations aux contextes et à la culture des territoires dans lesquels nous sommes présents. Le taux d’équipement n’est pas toujours le même, l’accès à internet et les compétences numériques non plus.

« La fréquence d’utilisation d’Internet demeure plus faible qu’en métropole. Ainsi, à peine plus de la moitié des Domiens se connectent à Internet presque quotidiennement, contre près des deux tiers des Métropolitains. L’âge et le diplôme sont plus discriminants qu’en France métropolitaine. »

Extrait du rapport de l’INSEE, L’accès au numérique pour les ménages des DOM : les jeunes bien connectés (2019)

Par exemple, Mayotte est le département le plus jeune de France : en 2017, la moyenne d’âge était de 23 ans, contre 37 à l’échelle nationale et 41 à la Réunion. C’est pourquoi, à Mayotte, nous nous concentrons sur la formation des plus jeunes afin de faciliter leur insertion professionnelle.

La Guyane, elle aussi, est particulièrement jeune.  C’est un des territoires où l’on rencontre toutes les problématiques de l’outre-mer : immigration, jeunesse, économie… Aujourd’hui, nous avons deux conseillères numériques qui y travaillent, la première à Kourou, la seconde à Papaïchton.

A la Réunion, qui concentre plus de 800 000 habitants, la 4G fonctionne très bien, mais environ 120 000 Réunionnais seraient aujourd’hui en situation d’illettrisme. Ce sont des différences importantes que nous prenons en compte dans toutes nos actions.


Cet article sur les formations au numérique et à internet a été financé dans le cadre du plan France Relance.
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