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Mon espace santé : « La plus grande crainte des participants concernait les données personnelles » – Cathy Debail, CNFS

En février dernier avait lieu le lancement officiel de Mon espace santé, après une période d’expérimentation dans trois départements. Ce jeudi 19 mai, le site monespacesante.fr a été complété par une application mobile, téléchargeable gratuitement sur iOS et Android. 

Si l’héritier du dossier médical partagé (DMP) semble encore discret, le ministère des Santés et de la Solidarité a récemment mis en place un réseau d’ambassadeurs dédiés. Constitué de médiateurs numériques et d’accompagnateurs sociaux, ce réseau a été créé pour favoriser le déploiement et l’appropriation de Mon espace santé en France.

Pourquoi et comment former à Mon espace santé ? Quelles sont les principales difficultés lors d’une formation au numérique en santé ?

C’est avec ces questions – et d’autres – en tête que le média Les Bons Clics a rencontré Cathy Debail, conseillère numérique France Services (CNFS) dans les Ardennes, devenue ambassadrice Mon espace santé en février, et animatrice d’un parcours numérique en santé pour Emmaüs Connect.

Mon espace santé : atelier organisé par Cathy Debail

Les Bons Clics : Avant d’aborder le numérique en santé, pouvez-vous présenter vos activités à Emmaüs Connect de manière plus générale ?

Cathy Debail : Emmaüs Connect n’a pas de point d’accueil dans les Ardennes : on se déplace dans des structures partenaires, qu’il s’agisse d’associations comme le Secours Catholique, de missions locales ou d’associations familles rurales.

Nous sommes donc équipés de huit ordinateurs, d’un rétroprojecteur et d’un web trotteur – s’il n’y pas de wifi – qu’on installe dans les locaux des structures. J’organise à la fois des ateliers collectifs et des permanences connectées, pendant lesquelles les personnes viennent avec leur matériel et leurs demandes.

Une semaine avant le début de l’accompagnement, nous organisons des Solidacafé : il s’agit de se présenter en quelque points clés, de laisser les personnes se présenter ensuite, et enfin de réaliser leur diagnostic numérique. Cela passe d’abord par un diagnostic déclaratif – ont-ils du matériel, une connexion… ? –, puis par celui des Bons Clics, qui permet de savoir si les personnes sont débutantes, intermédiaires, ou avancées dans la maîtrise du numérique.

Je fais des groupes de niveau ensuite, même si ce sont principalement des débutants pour l’instant : la structure avec qui l’on travaille oriente généralement celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Je dois faire entre 500 et 600 kilomètres chaque semaine – en comptant la vingtaine de kilomètres aller-retour pour aller et venir depuis mon domicile.

Les Bons Clics : Dans quel cadre formez-vous vos publics à Mon espace santé ?

Cathy Debail : Nous proposons plusieurs parcours, allant du parcours d’initiation (maîtriser la souris et le clavier, se repérer sur un bureau…) à un parcours vers l’emploi, à un autre sur la parentalité… Un de ces parcours est dédié à la santé, et regroupe des formations à :

Généralement, c’est une fois que les personnes ont fini le parcours d’initiation qu’on leur propose de faire d’autres parcours, et la santé est très demandée.

Mon premier atelier santé a eu lieu jeudi dernier, à Sedan. Nous étions cinq, moi comprise, pour découvrir Mon espace santé. Cet espace a quatre fonctionnalités principales :

  • Le dossier médical, comprenant les informations médicales et les documents scannés ;
  • L’espace de discussion sécurisée ;
  • Un catalogue de services numériques en santé ;
  • Et l’agenda de santé, qui va bientôt être mis en place pour se rappeler des rendez-vous par exemple.

Si le thème les rendait enthousiaste, beaucoup de personnes ne connaissent pas Mon espace santé : une des participantes, par exemple, avait reçu le mail, mais ne savait pas à quoi cela servait.

Je leur ai donc expliqué que c’était à la fois un DMP et un carnet de santé numérique, en indiquant que cela centralisait toutes les informations et que c’était accessible à leur cardiologue, leur radiologue… Si on le voulait.

Ça leur donne à la fois la possibilité de reprendre en main leurs données de santé, mais également d’être mieux pris en charge par les professionnels qu’ils vont aller voir. En cas d’accident par exemple, cela permet aux professionnels de santé de connaitre plus facilement les allergies et les traitements médicamenteux d’une personne.

Une participante trouvait l’outil formidable car elle disait devoir répéter à chaque fois tout ce qu’il lui était arrivé dans la vie.

Les Bons Clics : Comment se déroulent les séances sur Mon espace santé ? Quels sont les points bloquants pour vos publics ?

Cathy Debail : En tant qu’ambassadrice Mon espace santé, j’ai eu accès à des ressources pour les formations. J’ai préféré les synthétiser pour le leur présenter, et après travailler directement sur Mon espace santé.

Première difficulté : la connexion. Une participante avait bien reçu le mail, mais il y a plus de six mois, et il arrive que le lien d’activation ne soit plus actif. Il faut redemander un code, mais le site ne retrouvait pas sa fiche.

On a donc appelé le 3422 (ndlr : ligne gratuite, ouverte de 8h30 à 17h30, du lundi au vendredi), et la personne nous a répondu rapidement, nous a bien renseigné, et a fait remonter le problème.

La plus grande crainte des participants concernait les données personnelles : j’ai d’abord expliqué ce que c’était, puis j’ai précisé que celles de Mon espace santé sont hébergées en France, sur des serveurs de haute sécurité certifiés HDS (ndlr : « hébergeurs de données de santé »). Ca les a rassurés, et je leur ai ensuite précisé qu’ils pouvaient choisir si un autre médecin que le leur pouvait avoir accès à leurs données.

On peut aussi refuser la création de son espace santé. La première question, c’est : est-ce que vous voulez créer Mon espace santé ? Pour cette première séance, tout le monde voulait le faire, mais c’est peut-être mon public qui veut ça. Ils ont entre 50 et 60 ans, et je ne sais pas si un atelier avec des publics jeunes fonctionnerait autant.

Mon espace santé : il est possible de refuser la création de son compte.
Capture d’écran extraite de monespacesante.fr

Un autre gros enjeu, c’est que tout le monde n’est pas au courant. Les mails avec le code, beaucoup ne les ouvrent pas. Une des personnes présentes à l’atelier avait de nombreux mails non lus : au bout d’un moment, même avec une boîte mail, on n’est pas sûr de le lire.

Départements pilotes 

Trois départements – la Haute-Garonne (31), la Loire-Atlantique (44) et la Somme (80) – ont expérimenté le dispositif « Mon es pace santé » en fin d’année dernière. Un communiqué d’Ameli, en novembre, se félicitait alors de la création d’un espace santé pour 3,3 millions de personnes. A cette date, moins de 5% de ces dernières l’avaient toutefois utilisé, un écart peut- être dû aux modalités de création de l’espace santé : au bout de six semaines sans réponse au mail d’invitation, il est automatiquement créé.

Dernière limite : si les personnes avaient un DMP ouvert et bien rempli, les documents sont automatiquement transférés. Mais s’ils n’avaient pas de DMP, ou que certains documents étaient absents, ils doivent alors les scanner pour les ajouter à leur espace. Certains médecins traitants peuvent aider à le faire si on leur demande, mais ce n’est pas évident.

Le prochain atelier, dans deux semaines, sera sur les outils de visioconférence pour apprendre à faire une téléconsultation sur Doctolib. Les rendez-vous passent de plus en plus par Doctolib, et beaucoup ne savent pas comment ça fonctionne : comment prendre un rendez-vous ? Comment l’annuler ?

Les Bons Clics : Vous êtes devenue, en février dernier, « ambassadrice Mon espace santé ». Qu’est-ce que ce label signifie ?

Cathy Debail : J’avais assisté à une visioconférence sur Mon espace santé, lors de laquelle ils ont demandé aux CNFS présents s’ils souhaitaient devenir ambassadeurs. Comme je suis en charge du parcours santé – et que mes collègues s’occupent plutôt des parcours vers l’emploi et autour de la parentalité – ça m’a intéressé.

Il s’agit d’un réseau de médiateurs qui aident à la prise en main de Mon espace santé : j’ai reçu un mail et, après mon inscription, ils m’ont donné accès à plusieurs ressources pour présenter Mon espace santé.

Si nous n’avons pas encore de référent dans la région Grand Est, nous avons déjà des réunions d’une demi-heure, tous les jeudis en visioconférence, pour poser nos questions ou expliquer nos difficultés. Des ambassadeurs seront normalement présents dans les hôpitaux, d’autres organiseront des ateliers de sensibilisation dans des salles d’attente…


Liens utiles :

Cet article sur Mon espace santé a été financé dans le cadre du plan France Relance.
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