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Inclusion numérique des séniors : « Nous nous basons sur la collaboration, l’entraide et la créativité » – Emmanuelle Fevre, association La Bulle

« Viser l’inclusion numérique des personnes âgées, c’est vouloir leur inscription dans le monde », déclarait la sociologue Annabelle Boutet dans un rapport de Petits Frères des Pauvres, paru en 2018.

L’âge reste pourtant – avant les niveaux de revenus et de diplôme – le facteur le plus discriminant en matière d’éloignement numérique. 41% des retraités déclarent en effet rencontrer au moins un frein dans l’utilisation des outils numériques (contre 35% en France), et 71% des plus de 70 ans se connectent à internet, contre 92% en France (CREDOC, 2021).

L’inclusion numérique des séniors fait partie intégrante de nombreux projets, comme La Bulle. Cette association niçoise accompagne, depuis sa création en 2014, de nombreuses personnes âgées vers le numérique avec un prisme pédagogique particulier – la créativité.

Pourquoi avoir choisi la créativité pour aider les séniors à se saisir du numérique ? Comment l’intégrer dans les activités d’inclusion numérique ?

C’est avec ces questions – et d’autres – en tête que le média Les Bons Clics a rencontré Emmanuelle Fevre, cheffe de projet pour l’association La Bulle.

Photographie d'un atelier d'inclusion numérique des séniors réalisé par l'association La Bulle.

Les Bons Clics : Comment est née l’association La Bulle ?

Emmanuelle Fevre : En 2014, c’étaient les débuts de la tablette. Nous commencions à voir les possibles, et nous constations également que c’était un équipement sous-exploité par rapport à son potentiel.

Nous souhaitions trouver une approche qui est au croisement entre l’inclusion numérique et la médiation créative, c’est-à-dire utiliser de manière créative le numérique pour amener les personnes à l’utiliser.

Passer par la créativité amène à aller sur internet, à faire des recherches, à télécharger des photos, mettre en page du texte… Nous proposons par exemple de créer des carnets de recettes ou des carnets culturels à la suite d’une sortie artistique.

De fil en aiguille, nous avons commencé des ateliers spécifiques, qui sont des parcours de 8 à 10 séances en groupe de 10 à 15 personnes, avec 3 ou 4 encadrants. Nos interventions se font dans les locaux de nos partenaires : nous travaillons par exemple beaucoup avec l’arrière-pays niçois, dans un souci d’aller vers les populations les plus éloignées du numérique. Nous travaillons avec de nombreuses communes, la métropole de Nice, le département ou encore le Secours Populaire.

Côté matériel, nous disposons d’une vingtaine de tablettes et de trois routeurs, que nous amenons généralement avec nous. Le logiciel pour créer les livres, Book Creator, est gratuit, et tout le monde peut retrouver les créations depuis leurs ordinateurs personnels.

Si beaucoup de nos activités sont à destination des séniors, mais nous accompagnons également des plus jeunes et des travailleurs sociaux.

Deux exemples de livres réalisés dans ces ateliers : 
- La charte des étoiles
- Les voies du loup

Les Bons Clics : Concernant les séniors, quelles sont les types d’activité organisées par La Bulle ? 

Emmanuelle Fevre : Pour les séniors, nous avons 3 grandes activités :

  • « Click & Connecté », qui sont des ateliers d’inclusion numérique en tant que tels, où des personnes viennent avec leur outils et nous leur apprenons à s’en servir. Auparavant, nous appelions ça « Click & Move », qui consiste à mélanger l’activité numérique et l’activité sportive ;
  • « A Musée-vous », qui commence par une visite culturelle et/ou artistique. Il s’agit, à la suite de cette visite, de faire un livre numérique sur l’histoire d’un territoire ou, plus récemment avec le Mucem (ndlr : musée des civilisations de l’Europe et de la méditerranée), autour des artistes exposés. Ils travaillent tous sur des sujets différents, et sont amenés naturellement à faire des recherches sur internet ;
  • Les « madeleines numériques », qui se déroulent dans les EPHAD. Ce sont également des livres numériques faits avec les tablettes, mais ceux-ci se basent sur les souvenirs des résidents. Nous leur demandons par exemple où ils sont nés, et la fascination commence lorsqu’on retrouve l’endroit avec Google Maps ou Google Earth. S’ils nous parlent d’une musique ou d’une recette de cuisine, nous pouvons aller la chercher sur internet… Cela permet d’alimenter les livres, et donc les souvenirs, en temps réel. Ici, l’objectif n’est pas de leur apprendre à utiliser le numérique – il y a tout de même la problématique du toucher qui peut être complexe –, mais plutôt de leur permettre de rester connectés, de faire des jeux ou de communiquer avec leurs proches.
L’espace apprenant des Bons Clics pour la mise en autonomie

Nous utilisons beaucoup Les Bons Clics pour les faire travailler entre les ateliers. L’espace apprenant nous permet de voir qui fait quoi, combien de fois ils l’ont fait…
Inclusion numérique des séniors : photographie d'une apprenante utilisant une tablette

Les Bons Clics : Vous organisez aussi des activités d’inclusion numérique à destination des plus jeunes. Est-ce que certaines activités créent du lien entre les séniors et les plus jeunes ?

Emmanuelle Fevre : Nous avions un atelier qui s’appelait « Amène ta grand-mère », qui consistait en la création d’un livre à quatre mains avec les petits-enfants. Nous mettons également en place, en ce moment, un projet avec un EPHAD et un lycée professionnel « Petite enfance et personnes âgées ».

La plupart des lycéens choisissaient la petite enfance, et nous avons essayé de leur faire comprendre qu’avec les outils numériques, il était possible de créer du lien avec les personnes âgées. On a co-construit un atelier intergénérationnel : le matin, les lycéens apprennent à se servir du logiciel de création de livres et, l’après-midi, ils se rendent à l’EPHAD pour recueillir la parole des résidents.

Dans les bacs professionnels, ils ont quelque chose qui s’appellent un chef d’œuvre. Là, le chef d’œuvre sera « Le numérique et l’EPHAD », et chacun des jeunes va devoir trouver un projet numérique à faire avec un résident. Cela pourrait par exemple concerner l’autonomie des plus jeunes résidents.

Les Bons Clics : Vous mettez également en place des accompagnements spécifiquement dédiés aux plus jeunes. Comment se passent-ils ?

Emmanuelle Fevre : Avec les plus jeunes, nous avons travaillé avec des décrocheurs scolaires pour leur faire faire un webzine. L’objectif des livres, c’est la valorisation par l’utilisation du numérique. Comme le numérique, pour les jeunes, ce n’est pas quelque chose qui les met en échec, c’est intéressant.

Avec les enfants du Secours Populaire, nous avons aussi fait des livres autour de qui ils sont, leurs parcours, ce qu’ils ont envie d’être ou ce qu’ils aiment. Nous faisons aussi de la formation pour apprendre à faire un CV, à se mettre en valeur, utiliser Canva, … Et on travaille également avec les parents, même si c’est compliqué de les mobiliser sur ce sujet.

Sur les jeunes, on s’aperçoit qu’ils savent utiliser les applications de leur âge, mais le travail collaboratif, les espaces partagés, ce n’est pas encore ça. Leurs carences numériques sont sur d’autres endroits.

Les Bons Clics : Comment concevez-vous les ateliers, et quelle posture pédagogique adoptez-vous ?

Emmanuelle Fevre : Nos ateliers sont construits sur mesure, pour être au plus près de la demande. C’est très important de bien connaître le public qu’on va devoir former.

Nous travaillons beaucoup sur de l’individuel-collectif, ou du collectif-individuel. Nous essayons en même temps de répondre à un enjeu du groupe et aux demandes individuelles : c’est pour cela que c’est important l’on soit minimum 3 ou 4 formateurs par session en fonction de la taille des groupes. 

Pédagogiquement, nous nous basons sur la collaboration, l’entraide et la créativité. Au fur à mesure des sessions, on voit bien que du lien social se crée, et cette dynamique permet de créer de l’entraide entre et après les ateliers.

Nous les mettons également beaucoup en valeur dans leurs pratiques numériques et dans la façon dont ils peuvent utiliser le numérique pour eux : nous voulons qu’ils se l’approprient.


Consultez la page Eventbrite des Bons Clics pour assister à nos événements en ligne.

Cet article sur l'inclusion numérique des séniors a été financé dans le cadre du plan France Relance.

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Un commentaire

  1. Bonjour, j’habite à Paris et je me demande si je pourrais collaborer pour aider les séniors à se familiariser avec les activités numériques., Je ne sais pas si vous avez des ateliers en présentiel ou bien vous organisez des rencontres programmées.

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