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« Le numérique, un levier d’insertion formidable » – Fabien de Castilla, co-directeur du groupe Ares

Ares est un groupe de structures tremplin (IAE, EA, CAVA notamment) qui accompagne chaque année près de 1000 personnes en situation d’exclusion. Après une phase de diagnostic des besoins des salariés en insertion sur le numérique, la structure a décidé de les former aux compétences numériques de base.

Pourquoi intégrer le numérique dans le parcours d’insertion de ses salariés ? Comment le faire ?

C’est avec ces questions – et d’autres – en tête que le média Les Bons Clics s’est entretenu avec Fabien de Castilla, le co-directeur général du groupe Ares, autour du projet de digitalisation qui a bousculé toute l’organisation de la structure.

Insertion numérique - Fabien de Castilla

Les Bons Clics : Pourquoi Ares a décidé de mettre en place des ateliers de formation au numérique ?

Fabien de Castilla (FDC): Nous avons fait un constat il y a plus de trois ans maintenant, qui est qu’une grande partie des salariés en insertion qui passent chez Ares possèdent un outil numérique – concrètement un téléphone portable –, mais ne savent pas s’en servir soit pour un usage administratif (sécurité sociale, Pôle emploi…), soit dans le cadre de leur vie professionnelle. On est pourtant dans un monde qui change : on parle de digitalisation, de 2.0, de 3.0… Donc de manière très concrète, ce manque de compétence est en passe de devenir un véritable frein d’accès à l’emploi.

De manière plus générale, cette problématique est observée au sein de la plupart des structures d’insertion partenaires avec lesquelles nous travaillons : les salariés en insertion sont très peu habitués à l’usage professionnel du numérique.

Par ailleurs, très peu de structures ont des vrais parcours d’accompagnement numérique. C’est une vraie lacune dans les parcours d’insertion.

Les Bons Clics : Concrètement, qu’avez-vous mis en place au sein de votre structure ?

FDC : Depuis trois ans, nous agissons sur trois principaux axes. Le premier est extrêmement opérationnel pour les salariés en insertion : on a conçu et déployé un module de formation qui s’intitule « Le mobile et vous ». Nous proposons à l’intégralité de nos salariés en insertion de passer par ce parcours de trois sessions de trois heures. Grâce à cette formation, le salarié peut par exemple utiliser Google Maps pour aller à un entretien d’embauche, mettre à jour ses droits sur Pôle Emploi, rechercher un emploi sur internet, demander ses droits auprès de la Caf…

Pour ce faire, nous avons recruté un animateur numérique à plein temps, qui dispense cette formation sur l’ensemble de nos sites. (ndlr : pour plus d’informations sur les parcours mis en place, voir cette vidéo de témoignages).

Insertion numérique - Yaya Sogodobo
Yaya Sogodogo, animateur numérique

Nous avons également lancé un programme pour équiper l’ensemble de nos activités d’outils numériques. Pendant la formation des salariés à nos métiers (essentiellement logistique et économie circulaire), nous les faisons manipuler des outils numériques. Je vais prendre un exemple très concret : les activités logistiques réceptionnent des flux, mettent sous pli des commandes et expédient celles-ci.

Là où on gérait les stocks sur papier ou sur Excel, nous avons migré cette mission sur un logiciel de gestion de stock, un WMS (ndlr : Warehouse Management System). Les salariés en insertion manipulent donc une « douchette » numérique et le logiciel pour gérer le stock.

Il n’y a pas de formule magique : seule la pratique de l’outil numérique permet aux salariés d’être à l’aise en fin de parcours.

Le dernier axe est la digitalisation de toutes nos activités. Si un chargé d’insertion n’est pas lui-même à l’aise et convaincu de l’utilité du numérique, il ne pourra pas transmettre le goût du numérique au salarié en parcours. Pour donner des exemples concrets, nous avons déployé un logiciel qui permet de faire tout le suivi des parcours des salariés en insertion pour les chargés d’insertion, ou encore un logiciel pour la saisie des notes de frais.

On a besoin d’accompagner le changement de toute la structure d’Ares pour que cela soit un mouvement commun.

Les Bons Clics : Finalement, la digitalisation de votre groupe semble avoir bousculé l’ensemble de votre structure. Comment avez-vous opéré cela ?

FDC : Il y a d’abord eu un changement culturel. Il ne suffit pas de dire qu’on est digital ou qu’on est 2.0 pour l’être vraiment. Ça ne peut pas marcher comme cela : il y a des rapports au numérique différents, des appétences, des gens réfractaires et d’autres plus motivés… Donc on a fait le choix d’embaucher une directrice de la transformation digitale pour embarquer les équipes dans ce changement culturel, en démontrant l’utilité du digital pour la structure.

Le changement est aussi venu avec un changement des moyens, avec cette directrice de la transformation digitale, mais aussi via l’embauche d’un animateur numérique à temps plein.

Plus globalement, c’est l’ensemble de l’organisation et des équipes qui a dû s’adapter. En déployant les différents outils, on s’est vite rendu compte que la gestion de projets informatiques n’était pas si simple que cela : il ne suffit pas d’acheter une licence quelque part pour que cela fonctionne. On a donc dû internaliser et développer des compétences en termes de gestion informatique. 

Les Bons Clics : Si on revient aux salariés en insertion, quel est l’impact que vous avez pu observer grâce à cette digitalisation ?

FDC : Aujourd’hui, dans quasiment tous les jobs, même ceux à bas niveau de qualification, il y a un usage d’un outil numérique. Alors que le salarié devait indiquer hier par papier l’heure d’arrivée ou les tâches effectuées pendant la journée, il doit aujourd’hui le faire sur une tablette ou un smartphone en se connectant avec un mot de passe et en cochant des cases sur un logiciel.

Si on positive un peu tout ça, on peut dire que le numérique est un levier d’insertion formidable.

Si le salarié sait déjà l’utiliser et peut démontrer au futur employeur qu’il l’a fait pendant un an chez Ares, ça permet de rassurer l’employeur et donc de rendre le salarié plus employable. Quelque part, le numérique se rapproche de la maîtrise du français : si le salarié ne maîtrise pas ou mal le français, une barrière se crée pour de nombreux emplois. À l’inverse, la maîtrise du français ou du numérique est un vrai levier d’employabilité.

WeTechCare : Quel bilan tirez-vous des projets mis en place ?

FDC : Un bilan super positif. D’une idée, on est arrivés sur un projet qui fonctionne. Mais en même temps, l’envie d’aller beaucoup plus loin : le potentiel avec le numérique est incroyable.

Finalement l’enjeu est d’équiper nos salariés aux outils de demain, et pas seulement aux outils d’aujourd’hui.

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