Financement participatif : comment former les personnes éloignées du numérique ?
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec La Banque Postale, et fait partie d’une série d’articles destinés à accélérer l’inclusion financière par le numérique. Retrouvez les autres articles ici !
En 2021, plus de 150.000 projets associatifs ou entrepreneuriaux ont collecté des fonds grâce au financement participatif. Le crowdfunding, selon sa déclinaison anglaise, permet de financer ou de faire financer un projet en ligne, auprès du grand public, sous forme de dons, de prêt ou d’investissement.
S’étant peu à peu imposé en France, il poursuit aujourd’hui encore son ascension : l’année dernière, près de 2 milliards d’euros ont été récoltés par ce biais, un chiffre en hausse de 84% comparé à 2020.
Parmi les raisons qui expliquent ce succès : le financement participatif se situe « en dehors des circuits financiers institutionnels », selon l’expression du Ministère de l’Economie. Il s’agit également, à travers le crowdfunding, de transformer son territoire : selon le dernier baromètre de Financement Participatif France, près de la moitié des projets financés par ce biais l’année dernière avaient une dimension sociale et/ou environnementale.
Une aubaine que les publics éloignés du numérique peuvent difficilement saisir. Comment leur en donner envie ? Quelles compétences leur transmettre ?
Donner envie et rassurer
« Le numérique peut être un frein à l’usage du financement participatif : quand on ne l’a jamais fait, on a peur », explique la secrétaire générale de KissKissBank & Co*, Mouna Aoun, au média Les Bons Clics. Pour elle, s’il est important d’expliquer en quoi consiste le financement participatif, il s’agit aussi de donner envie aux personnes, de les rassurer et de les accompagner.
*KissKissBank & Co est une société rassemblant la plateforme de financement participatif KissKissBankBank, ainsi que Goodeed, MicroDON, Lendopolis et Youmatter. Elle appartient depuis 2017 à La Banque Postale.
« Une campagne de financement participatif n’est jamais un échec »
Une partie essentielle de l’accompagnement au financement participatif est de donner envie, que l’on veuille lancer son projet ou financer le projet d’un autre. « L’idée que ce n’est pas grave, qu’il faut se lancer et essayer, est très importante à véhiculer auprès des publics, précise-t-elle. C’est assez rare, dans le cadre du financement d’une activité professionnelle, qu’on nous dise qu’on peut se tromper. On a le droit à l’erreur, et il n’y a pas de meilleur support que le financement participatif pour se tromper ».
Cela tient notamment à la règle du « tout ou rien » qu’appliquent certaines plateformes de crowdfunding : si l’objectif de collecte n’est pas atteint, les contributeurs seront remboursés et la personne à l’origine du projet n’aura pas à payer. « On ne touche de commission que sur les projets réussis », indique Mouna Aoun.
L’absence de commission en cas d’échec est également en vigueur chez d’autres plateformes de financement, comme Kickstarter, lancée en 2009, ou Ulule, née en 2010. D’autres modalités existent : la plateforme Zeste, développée par la NEF, permet par exemple de conserver les fonds collectés même si l’objectif n’est pas atteint. La commission dépendra alors du montant collecté.
Si 78% des projets sont couronnés de succès sur KissKissBankBank, « une campagne de financement participatif n’est jamais un échec », précise-t-elle. Pour cette dernière, lancer une collecte permet dans tous les cas de communiquer sur son projet, et de l’améliorer. C’est « une première vitrine en ligne » qui dépasse d’ailleurs le territoire dans lequel le projet s’inscrit. « C’est la magie d’internet : beaucoup de freins perdurent, notamment sur la sécurité et la fraude, mais c’est quand même une vitrine magnifique, avec un champ des possibles extrêmement large si on y croit et si on sait l’utiliser ».
Rassurer : sécurité et cadre réglementaire
Un des freins majeurs à l’usage du numérique concerne la sécurité, d’autant plus lorsque des transactions financières ont lieu. Si ce thème peut faire l’objet d’un atelier dédié, c’est un enjeu auquel n’échappent pas les plateformes de financement participatif. Quelques repères peuvent toutefois rassurer les porteurs de projet autant que d’éventuels contributeurs.
S’il était auparavant régulé par une ordonnance de 2014 en France, c’est l’entrée en application du règlement européen 2020/1503 qui définit, depuis novembre dernier, le cadre règlementaire du crowdfunding. Les plateformes de financement participatif – « prestataires de services de financement participatif » – doivent obligatoirement être agrémentées par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Une recherche sur la liste noire de l’AMF peut à cet égard être utile.
Financement Participatif France, l’association des acteurs du crowdfunding, dénombre aujourd’hui « un peu plus de 60 sociétés » avec des activités effectives de financement participatif dans l’Hexagone. Les principales plateformes de financement participatif y ont émergé à la fin des années 2000, comme KissKissBankBank en 2009 ou Ulule en 2010. La plateforme Zeste par la Nef a, elle, été créée en 2016.
Bonnes pratiques pour réussir sa campagne
« Nous échangeons avec la quasi-totalité des porteurs de projet », indique Mouna Aoun en référence au service d’accompagnement proposé par KissKissBankBank. Gratuit, cet accompagnement peut se faire par téléphone ou par mail, et permet de s’assurer du bon déroulé d’une campagne de crowdfunding.
Les plateformes de financement participatif sont nombreuses à proposer un accompagnement. Les modalités peuvent toutefois différer : Ulule, par exemple, offre un accompagnement personnalisé en échange d’une commission plus élevée (aucun frais, donc, si le projet échoue). Zeste, par la Nef, propose également un accompagnement gratuit.
Car si toutes les collectes n’aboutissent pas, plusieurs éléments permettent d’en maximiser les chances de réussite. « Nous incitons par exemple les porteurs de projet à réaliser une vidéo, détaille ainsi la secrétaire générale de KissKissBankBank & Co. Nous insistons sur l’importance de la communication en amont, pendant et après la campagne… Nous parlons aussi de la rédaction web pour faire des titres informatifs, ou encore du numérique responsable pour favoriser des formats moins énergivores ».
L’essentiel, pour Mouna Aoun, reste d’essayer : « on peut tout le temps retravailler sa page de collecte. Beaucoup de porteurs de projet n’osent pas faire de brouillon sur notre plateforme et passent beaucoup de temps à travailler sur un logiciel de traitement de texte. En commençant sur le site, on voit dès le début les formulaires à remplir et, une fois qu’on est dessus, on peut retravailler la matière. On peut le faire 20 ou 30 fois, et ce n’est pas grave ». La consultation d’autres pages de collecte, pour des projets similaires, peut à cet égard être une bonne source d’inspiration.
Ces conseils rassemblés dans le livre blanc de KissKissBankBank – ou dans son équivalent chez d’autres plateformes, comme le manuel du créateur de Kickstarter – portent à la fois sur le numérique et sur l’économique. La question du montant de la collecte, par exemple, se rapproche de l’accompagnement économique, « un travail préparatoire très intéressant » pour Mouna Aoun. Une fois fixé l’objectif, comment vont être réparties les dépenses ?
« Détaillez votre budget, il faut vraiment le décrire et le chiffrer point par point pour montrer aux contributeurs qu’il s’agit d’un projet mûri et qui n’attend plus que leur soutien. Ça augmentera leur confiance, et donc leurs dons »
Extrait du livre blanc de KissKissBankBank
Pour les plateformes de crowdfunding qui appliquent le « tout ou rien » – l’argent collecté est restitué aux contributeurs si l’objectif n’est pas atteint –, il s’agit d’estimer le montant minimum nécessaire au financement du projet. Si cet objectif est atteint, la campagne pourra être prolongée.
« Une fois encore, conclut Mouna Aoun, c’est éminemment puissant de pouvoir avoir une vitrine associative ou entrepreneuriale par le biais du financement participatif, le tout depuis chez soi. Je pense par exemple aux femmes qui veulent créer une activité professionnelle tout en ayant des enfants ou de la famille à charge, et qui doivent avoir la possibilité de travailler à domicile. Le champ des possibles est tellement large, et le financement participatif y contribue : il y a beaucoup de choses à faire ».
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