« Ce sont des histoires de vie particulières, mais ce sont aussi des personnes débrouillardes qui trouvent toujours une solution » – Tracy Kabamba, médiatrice numérique et CIP à Stains
En 2019, l’insertion par l’activité économique (IAE) comptait plus de 134 000 salariés en insertion, répartis dans près de 4 000 structures conventionnées par l’Etat. Pour ces maillons essentiels de l’accompagnement vers l’emploi des personnes qui en sont éloignées, le place grandissante du numérique dans l’insertion professionnelle représente un enjeu majeur.
L’une de ces structures, la Régie de Quartier de Stains, en Seine-Saint-Denis (93), compte une vingtaine de salariés permanents et une soixantaine de salariés en insertion. Elles et ils travaillent dans quatre domaines, la réparation de vélos, le nettoyage, la voirie et le bâtiment. Suite à un appel d’offre du département, cette structure associative d’IAE a lancé en début d’année une offre de formation numérique à destination de ses salariés.
Comment s’assurer de l’utilité des ateliers numérique pour les salariés en insertion ? Et comment s’assurer de leur motivation ?
C’est avec ces questions en tête que WeTechCare s’est entretenue avec Tracy Kabamba, médiatrice numérique et conseillère en insertion professionnelle à la Régie de Quartier de Stains, en Seine-Saint-Denis.
Les Bons Clics : Comment la Régie de Quartier de Stains a-t-elle structuré son offre d’inclusion numérique ?
Tracy Kabamba : La formation se divise en quatre ateliers de deux heures, portant sur l’insertion professionnelle et les démarches en ligne. Nous avons choisi de rendre les ateliers obligatoires, sinon certaines personnes en insertion ne viendraient pas ou diraient qu’elles ont les compétences pour utiliser un ordinateur, même si ce n’est pas vrai.
Parmi ces dernières, je n’ai pas vu de grosses difficultés avec le numérique, parce que tous et toutes ont un smartphone mais, en réalité, tout le monde a besoin d’accompagnement.
Nos ateliers de médiation sont à destination de toutes les personnes habitant à Stains. Nous avons choisi de commencer par nos salariés – puisqu’ils y résident également – avec l’objectif, à terme, de pouvoir faire les ateliers dans d’autres structures ou d’ouvrir nos ateliers à tous les Stanois et toutes les Stanoises.
Naturellement, certains de nos salariés boudent, parce qu’ils savent déjà se servir d’un ordinateur, ou qu’ils ont l’habitude d’avoir un téléphone dans les mains. Et s’ils n’ont pas tous une connexion à domicile, ils l’ont via le réseau mobile et, ici, ils peuvent utiliser le Wi-Fi.
Mais leur motivation dépend beaucoup des thématiques abordées : un de nos salariés, qui travaille dans le bâtiment, n’était pas intéressé par l’atelier sur le CV mais, dès qu’on est arrivé aux démarches en ligne, ça l’a intéressé, parce qu’il avait besoin de faire des démarches Pôle emploi et CAF.
Sur les démarches, on décortique chaque service et chaque application avec les modules Les Bons Clics. Ils découvrent toutes les possibilités, comme pouvoir envoyer un document à distance sans avoir à aller au guichet. On leur apprend à scanner avec des applications : on télécharge avec eux, on leur montre, et ils sont tous ravis.
Un des salariés de plus de 60 ans a réussi à s’actualiser seul, et il était ravi d’être indépendant, de ne pas avoir à déranger ses enfants. Pour eux, c’est une réussite phénoménale, et ils n’ont plus besoin de toquer chez nous, d’attendre… Et même pour nous c’est plus simple.
Les Bons Clics : Comment orientez-vous vos salariés vers ces formations ?
Tracy Kabamba : C’est principalement moi qui les oriente vers les ateliers, mais mes collègues s’en occupent aussi et gèrent les demandes de certains salariés.
C’était le cas pour une de nos salariées, qui a 74 ans, et qui a demandé à une collègue d’être initiée au numérique. Comme elle allait sortir de notre dispositif d’accompagnement, nous l’avons réorientée vers Emmaüs Connect.
Si la structure a imposé les ateliers, ce sont tout de même des négociations. Les ateliers sont sur leur temps de travail, donc je ne peux pas prendre autant de personnes que je veux dans les quatre départements de la Régie.
Les Bons Clics : Comment se passe l’accompagnement des plus jeunes ?
Tracy Kabamba : Nous nous retrouvons avec plusieurs jeunes dont l’insertion professionnelle est compliquée. Ils viennent nous voir par le bouche-à-oreille, ou par le biais de Pôle emploi ou d’autres structures que l’on connaît.
L’objectif, c’est de les faire sortir avec un travail sécurisé ou une formation, et de les faire changer de regard sur leurs propres capacités. Dans le quartier, ils ne savent pas trop ce qu’ils veulent faire, ils ne connaissent pas tous les métiers qui s’offrent à eux, et ne savent pas de quoi ils sont capables.
Nous travaillons aussi avec des structures alentour, comme l’Industreet, qui forme les jeunes à des métiers d’usine qui sont très demandés. Et nous essayons de les équiper. Ecodair nous a donné des ordinateurs, et on les offre à notre tour aux salariés selon leur ancienneté dans la structure et leurs besoins : on essaye de donner la priorité aux jeunes sans équipements.
5La présence de plus jeunes dans les ateliers donne une bonne dynamique de groupe aussi : les anciens sont contents d’avoir des jeunes, ça les motive.