Le virage des seniors vers le numérique
En France, une personne sur cinq est aujourd’hui âgée de 65 ans ou plus. Selon les projections de l’INSEE, ce ratio grimpera à une personne sur quatre en 2040 et une sur trois en 2070. Pour accompagner nos nombreux aînés dans leurs usages numériques, le défi s’avère double, s’agissant de les y intéresser autant que de pallier leur manque d’équipement et de compétences.
En la matière, les deux vagues de confinement ont révélé l’intérêt des outils numériques pour les publics seniors. L’adoption par ces derniers des nouvelles technologies a limité leur isolement, amoindri leurs déplacements et offert des opportunités de divertissement. S’ils s’intéressent de plus en plus au numérique, des inégalités d’accès et d’usage persistent toutefois : 78% des personnes âgées de plus 60 ans manquent d’au moins une compétence numérique de base, et la moitié des plus de 75 ans ne dispose d’aucun accès à internet à domicile.
Aussi, la période semble plus que jamais propice pour accélérer l’inclusion numérique de nos aînés.
« Viser l’inclusion numérique des personnes âgées, c’est vouloir leur inscription dans le monde ! »
Annabelle Boutet, sociologue, extrait du rapport Exclusion Numérique des Personnes Âgées (2018, Petits Frères des Pauvres)
La crise sanitaire a transformé le regard des personnes âgées sur le numérique
La première vague de confinement a bouleversé les usages numériques de nos aînés. C’est ce qu’affirme la dernière enquête Pratiques Culturelles du DEPS* : qu’il s’agisse des réseaux sociaux, des jeux vidéo ou de la consommation de ressources culturelles en ligne, les 60 ans et plus représentent la population ayant le plus modifié ses habitudes digitales en raison du confinement.
Entre 2018 et 2020, l’usage quotidien des réseaux sociaux par les personnes âgées de plus de 60 ans a ainsi augmenté de 31 points pour atteindre 43%. La part de nos aînés ayant consommé des ressources culturelles en ligne a également augmenté de 12 points – seule tranche d’âge affichant une hausse en la matière –, et les seniors pratiquant des jeux vidéo s’avèrent 2 fois plus nombreux à présent qu’en 2018.
« Je vois bien qu’avec l’évolution en âge, la mobilité a de fortes chances de se réduire. Et le fait de ne pas être isolé chez soi, mais de pouvoir continuer à s’alimenter culturellement par le biais de sa tablette ou de son ordinateur, c’est une formidable opportunité. »
Marie-Paul Debray (71 ans), vice-Présidente de l’association Old Up à France Culture en décembre 2020
*Département des études de la prospective et des statistiques du ministère de la culture
Déconstruire notre perception du rapport de nos aînés aux nouvelles technologies
C’est pourquoi la fracture numérique semble davantage sociale que numérique jusqu’à 75 ans. Cet apprentissage, le premier tiré d’une étude menée par WeTechCare pour l’Assurance Retraite en 2019, signifie que la sensibilisation et la motivation des seniors sont structurantes pour la pratique numérique des personnes âgées d’entre 60 et 75 ans. L’entourage familial peut autant démultiplier la motivation de nos aînés que les décourager, et joue à cet égard un rôle déterminant.
« 60 ans, c’est encore jeune ! Aujourd’hui, on peut considérer une personne comme « senior » à partir de 70 ans, quand la transition entre la vie professionnelle et le départ à la retraite est passée. »
Marie Barbou, psychologue clinicienne
L’âge est une variable psychologique, et le vieillissement un processus hétérogène. En matière d’accompagnement numérique, il convient d’abord de distinguer les publics seniors autonomes des publics seniors en perte d’autonomie. Les services numériques qui leur sont utiles, autant que les acteurs qui les accompagnent, diffèrent.
Grâce à plus de cents entretiens avec des personnes âgées, l’étude WeTechCare distingue sept profils types selon leurs degrés de motivation et de compétences numériques. Allant des plus réfractaires aux plus curieux, des novices aux connectés, vous y trouverez des exemples et des idées d’accompagnement adaptés pour chacun de ces sept profils.
De même le développement d’un écosystème extensif et connecté d’organisations dédiées peut s’avérer structurant pour engager les publics seniors vers le numérique. Pour cela, il est nécessaire d’inclure les acteurs historiques de l’accompagnement numérique et social (collectivités, associations, opérateurs de services publics), mais aussi et surtout les structures en lien quotidien avec ces publics, qu’il s’agisse des acteurs de l’aide à domicile, des commerces locaux ou des clubs de loisirs.
Ces organisations peuvent alors jouer le rôle de relais de proximité et de sensibilisation pour amener les seniors vers des accompagnements au numérique adaptés à leurs envies et besoins.
Les modalités d’accompagnement, elles, importent peu : il existe rarement une spécificité des publics seniors en la matière. Il s’agit plutôt de proposer une offre variée et complète, de trouver les bons leviers de motivation thématiques, et de s’intéresser aux étapes de sensibilisation. Ces efforts d’adaptation s’avèrent bénéfiques pour tous les publics (ergonomie des équipements et du mobilier, motivation, …).
Adapter l’accompagnement aux besoins
L’étude de WeTechCare pour l’Assurance Maladie a guidé la création d’un référentiel autonomie pour les seniors, publié conjointement par l’interrégime retraite, l’Agirc-Arrco (retraite complémentaire) et la CNAV (Caisse nationale d’assurance vieillesse) le 3 décembre 2020. Ce référentiel, pensé comme un cadre méthodologique et pédagogique à destination de tous les acteurs de l’accompagnement numérique, souhaite favoriser une maîtrise de base du numérique par nos aînés.
Comme l’a souligné Frédérique Garlaud, directrice nationale de l’action sociale de la CNAV, lors de la formation « Autonomie numérique des séniors », il s’agit avec ce référentiel de « permettre [aux seniors] d’être autonomes sur les usages qui vont répondre à leur motivation, améliorer leur quotidien et renforcer leur qualité de vie ».
D’autres outils sont à votre disposition pour accélérer vos actions d’inclusion numérique à destination de nos aînés : en complément de l’étude WeTechCare, vous trouverez ci-dessous des fiches pratiques qui condensent les recommandations de communication avec les publics seniors. L’outil de diagnostic ainsi que les modules LesBonsClics restent également à votre disposition, n’hésitez pas à les consulter et à vous les approprier.
En décembre dernier, la ministre déléguée chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, officialisait le lancement de la consultation « Place des personnes âgées » en partenariat avec Make.org. Si elle n’est pas entièrement dédiée au numérique, elle invite toutefois à réfléchir à l’avenir que nous souhaitons pour celles et ceux qui nous précèdent : n’hésitez pas à y contribuer !
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