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Publics en situation de handicap : Comment le réseau d’inclusion numérique de la Métropole de Montpellier agit pour l’accessibilité numérique ?

Ces échanges ont été recueillis dans le cadre de l’accompagnement de WeTechCare auprès du CCAS de Montpellier et de Montpellier Méditerranée Métropole.

L’usage du numérique et la dématérialisation des démarches administratives représentent un défi de taille pour les personnes en situation de handicap. Le 4 juillet dernier, les acteurs de l’inclusion numérique de la Métropole de Montpellier se retrouvaient pour un atelier consacré à l’accompagnement de ces publics dans l’espace numérique NUMIKS du lieu Gisèle Halimi à Montpellier. Pour défricher ce sujet crucial auprès du réseau, quatre acteurs sont intervenus au cours d’une table ronde : 

  • Anne Causse, Chargée de mission en charge du déploiement en région Occitanie des Conseillers Numériques France Services à la Banque des Territoires
  • Jean-Pierre Galaud, Chef de Projets Handicap et Accessibilité au Service Cohésion Sociale Pôle Solidarités à la ville de Montpellier
  • Marion Gueguen, Conseillère en Economie Sociale Familiale labellisée langue des signes au CCAS
  • Igor Lara, Informaticien spécialiste champ de la déficience visuelle chez FAF-LR

Ils ont accepté de nous parler des initiatives en faveur de l’inclusion numérique des personnes en situation de handicap sur le territoire et des enjeux de ces accompagnements.

Table ronde des intervenants : Anne Causse, Chargée de mission en charge du déploiement en région Occitanie des Conseillers Numériques France Services à la Banque des Territoires; Jean-Pierre Galaud, Chef de Projets Handicap et Accessibilité au Service Cohésion Sociale Pôle Solidarités à la ville de Montpellier; Marion Gueguen Conseillère en Economie Sociale Familiale labellisée langue des signes au CCAS et Igor Lara Informaticien spécialiste champ de la déficience visuelle chez FAF-LR
Table ronde des intervenants : Elvire Feuillebois, Anne Causse, Jean-Pierre Galaud, Marion Gueguen et Igor Lara

Les besoins et les freins des publics en situation de handicap

Quels sont les besoins et les freins des personnes en situation de handicap vis-à-vis du numérique ?

Jean-Pierre Galaud : Il n’y a pas vraiment de surprises en soi : de manière générale les besoins et les freins sont les mêmes que pour chacun en termes d’accès aux droits. Les freins majeurs spécifiques sont leur isolement, résultant d’un accident, d’une maladie dégénérative ou d’un handicap de naissance. Leur objectif principal est de pouvoir mener une vie sociale épanouissante. Un autre frein important est l’illectronisme, souvent remonté par les associations de personnes en situation de handicap. Ces associations, quels que soient les types de handicap (moteur, visuel, cognitif, psychique), ont généralement un aidant spécialisé dans l’accès aux droits numériques.

Anne Causse : Mes propos ne sont pas basés sur un diagnostic territorial au sens strict du terme, mais il me semble -en échangeant notamment avec la communauté CNFS sur ce sujet- que les besoins en matière de numérique des publics en situation de handicap sont les mêmes que pour tout le monde. Il s’agit notamment d’avoir un accès et des équipements adaptés, du contenu simple couvrant tous les cas d’usage ainsi que les compétences nécessaires pour les utiliser seul ou, à défaut, un accompagnement humain facilitant leur utilisation.

Ce qui change en revanche, ce sont les « briques technologiques » et les « briques posture d’accompagnement » attendues pour répondre aux spécificités liées aux différents handicaps (visuel, auditif, cognitif, moteur, mental, psychique). Développer les réponses adaptées sur ce point, nécessite des efforts collectifs pour monter en compétence sur le sujet.

Les initiatives inspirantes portées sur la Métropole de Montpellier et en Occitanie

À Montpellier, environ 60 000 personnes sont en situation de handicap, soit 26 000 personnes en situation de fragilité numérique. Quelles sont les initiatives portées sur le territoire pour répondre à cet enjeu ?

Initiatives en Occitanie

Anne Causse : Il est vrai que beaucoup de personnes en situation de handicap sont en difficulté avec le numérique mais ce que je veux souligner, c’est aussi la nature intrinsèquement paradoxale du numérique, qui sur le champ du handicap -comme ailleurs- peut à la fois être générateur de fractures et source d’opportunités.

En matière d’accompagnement tout au long de la vie, le numérique peut ainsi offrir un certain nombre de solutions à des publics en situation de handicap :

  • D’abord, le numérique peut être un formidable outil contre l’isolement et favoriser la création de communautés
  • Autre point central, le numérique peut favoriser une innovation au service des personnes les plus fragiles. La Banque des Territoires a notamment lancé l’ incubateur « 13M », qui soutient des start-ups travaillant exclusivement sur l’inclusion numérique. Parmi les lauréats de cet incubateur, il y a Lisio, une start-up occitane qui développe des plugins et des logiciels pour rendre les sites web, en particulier ceux des collectivités, plus inclusifs et accessibles. Cet incubateur lancera prochainement de nouveaux appels à projets. Il est donc essentiel de faire passer le message et d’encourager les start-ups à s’engager dans ce champ d’innovation. 
  • Enfin, soulignons que le secteur du numérique offre des opportunités d’emploi pour tous, y compris les personnes en situation de handicap. Le maintien ou le retour à l’emploi pour les personnes en situation de handicap est notamment soutenu par l’AGEFIPH  pour les salariés du privé et par le FIPHFP pour le secteur public, lequel est opéré par la Direction des Politiques Sociales de la Caisse des Dépôts.
  • C’est également cette même Direction de la Caisse des Dépôts qui a développé pour le compte de l’Etat en partenariat avec la CNSA la plateforme « Mon Parcours Handicap », laquelle a pour but d’être une plateforme d’informations et servicielle en réponse aux problématiques rencontrées par les personnes en situation de handicap tout au long de la vie.

Initiatives de la Ville

Jean-Pierre Galaud : La municipalité s’engage en faveur de l’accessibilité universelle, et le numérique joue un rôle clé dans cette démarche. Nous proposons une page dédiée à l’accessibilité universelle sur notre site internet. Parmi ces initiatives, nous travaillons sur l’accessibilité des voiries, des bâtiments et des transports en commun, en veillant à ce que l’accessibilité soit universelle et permette à tous d’utiliser les services de la ville aisément. Nous facilitons également la communication entre les personnes sourdes et les services municipaux en proposant un accès en langue des signes via des interprètes diplômés (société Elioz).

Initiatives du CEIS : expérimentations d’accompagnement des personnes sourdes

Le CEIS (Centre d’expérimentation et d’innovation sociale) a expérimenté des ateliers d’inclusion numérique pour les personnes sourdes et malentendantes, pouvez-vous nous parler de cette initiative ?

Marion Gueguen : Nous avons collaboré avec deux membres de l’Ariéda sur un projet d’inclusion numérique pour les personnes sourdes et malentendantes. Notre objectif est de proposer des ateliers collectifs et un accompagnement individuel adapté, en utilisant des fiches comme celles de Les Bons Clics pour les passer en FALC (Facile à lire et comprendre). Ces ateliers couvrent divers domaines, de l’utilisation de l’ordinateur à la vie quotidienne et aux démarches en ligne, y compris la recherche d’emploi. L’Ariéda nous a apporté un soutien important grâce à leur expertise et pratique dans le handicap auditif. Nous sommes actuellement en phase d’expérimentation et vous transmettrons les résultats de cette initiative.

Initiatives de la Fédération des Aveugles de France Languedoc Roussillon

Quels conseils donnez-vous aux structures pour se former à l’accompagnement de personnes en situation de handicap visuel ?

Igor Lara : La fédération des aveugles de France propose une variété de formations couvrant la formation professionnelle, l’accessibilité numérique et la production de documents numériques accessibles pour répondre aux besoins et attentes des personnes déficientes visuelles. Vous pouvez y accéder par prescription ou en nous contactant directement.

Conseils et bonnes pratiques à mettre en œuvre

Les conseils des aidants spécialisés

Comment se vit l’accompagnement au quotidien des personnes en situation de handicap auditif et visuels ?

Marion Gueguen : Au quotidien, la plupart du temps nous nous débrouillons. Mon employeur m’a permis de suivre une formation intensive de six mois en langue des signes, ce qui facilite l’accueil des personnes sourdes et rend l’accessibilité plus fluide. La langue des signes a une structure différente de celle du français, ce qui nécessite une compréhension particulière. Écrire n’est pas suffisant, car une personne sourde de naissance qui a appris la langue des signes ne comprendra pas la phrase de la même manière qu’une personne entendante qui a appris à entendre les sons. Il est encourageant de constater que des sites comme celui de la ville de Montpellier travaillent en collaboration avec des entreprises d’interprètes (Elioz) pour garantir une véritable accessibilité aux personnes sourdes. 

Igor Lara : Peu de sites administratifs respectent réellement les normes d’accessibilité, même si c’est une obligation légale. Les sanctions semblent absentes. Face à cela, mon objectif est d’accompagner des personnes à différents niveaux pour favoriser leur autonomie, que ce soit avec un ordinateur ou un smartphone.

Pour les personnes non-voyantes, l’utilisation d’un logiciel de retour vocal est primordiale. Cela signifie de se passer de la souris et de se concentrer uniquement sur les informations vocales. La maîtrise du clavier est donc essentielle, avec l’apprentissage de la dactylographie et des raccourcis clavier. Par exemple, lorsque nous remplissons des formulaires en ligne, nous voyons les indications visuelles pour chaque champ. Cependant, une personne non-voyante dépend de ce qu’elle entend. La synthèse vocale peut indiquer « Édition, saisissez votre nom » dans le meilleur des cas, mais souvent, elle se limite à dire « Édition » sans fournir de précisions. Cela crée une confusion pour la personne non-voyante face à son écran. Malgré les stratégies de contournement, cela reste un défi permanent.

Est-ce que le numérique constitue un réel avantage pour les personnes malvoyantes et aveugles une fois qu’elles ont acquis les compétences nécessaires ?

Igor Lara : C’est un énorme avantage. Le numérique rompt clairement l’isolement. Avant, une personne aveugle ne pouvait pas envoyer d’e-mails ni de lettres faute d’une solution adaptée. Aujourd’hui, les outils numériques ouvrent des opportunités et favorisent l’autonomie. Les personnes formées peuvent naviguer sur Internet, naviguer sur des sites accessibles, envoyer des e-mails, écouter de la musique et se divertir comme tout le monde. Les smartphones, de plus en plus sophistiqués, offrent des fonctionnalités d’accessibilité intégrées qui permettent d’effectuer de nombreuses opérations au quotidien.

Avez-vous des bonnes pratiques à partager concernant l’accompagnement numérique des publics ?

Igor Lara : La première bonne pratique serait de considérer que l’accessibilité concerne tout le monde, que l’on soit en situation de handicap ou non. Ne serait-ce que pour l’ergonomie de ce qui est affiché à l’écran. Malheureusement, nous avons souvent l’impression de revenir en arrière car les équipes changent et il est nécessaire de sensibiliser et de former régulièrement. Je pense qu’il est crucial que tous les développeurs et les écoles d’informatique soient sensibilisés à la notion d’accessibilité. Si nous formons dès le départ, nous aurons potentiellement des sites, des logiciels et des applications nativement plus accessibles. Sinon, nous sommes contraints de superposer des couches pour atteindre nos objectifs.

Mobiliser le réseau des conseillers numériques et des experts handicap

Qu’en-est-il de la formation des Conseillers Numériques France Service sur la thématique du handicap ?

Anne Causse : En Occitanie, il y a actuellement environ 450 Conseillers Numériques France Service (CNFS), dont une soixantaine dans l’Hérault. Certains travaillent dans des structures spécialisées dans l’accompagnement des personnes handicapées (capemploi, adepei), tandis que d’autres sont dans des structures plus généralistes.

La formation initiale des conseillers numériques dans la cadre de l’AMI original CNFS débuté en 2020 ne traitait pas spécifiquement du handicap, mais avec la question du renouvellement du dispositif s’est posée celle du renforcement de la formation sur certaines thématiques, dont celle de l’accueil des publics en situation de handicap. Ainsi, à la rentrée de septembre 2023 l’offre de formation initiale et continue proposée aux conseillers contiendra pour ceux qui le souhaitent des modules spécifiques à la carte pour l’accompagnement des publics en situation de handicap.

Notons également que nous avons en Occitanie la 1ère conseillère numérique en langue des signes labellisée par l’ANCT, laquelle s’inscrit dans une démarche de partage d’expérience avec la communauté CNFS (à travers notamment la mise en place d’une permanence hebdomadaire permettant aux CNFS qui le souhaitent d’échanger avec elle sur le sujet). Au titre des autres actions concrètes menées dans ce domaine par la communauté CNFS,  citons également la démarche exemplaire de 3M (Montpellier Méditerranée Métropole) avec la montée en compétence sur l’accompagnement des publics déficients visuels des 12 conseillers numériques de la Métropole (grâce à une formation proposée par la FAF-LR) ainsi que la nomination d’un CNFS référent sur le sujet du handicap pour continuer à développer des actions et partenariats sur ce champ-là.

L’importance du réseau

Anne Causse : Il est essentiel de partager les bonnes pratiques et de rester informés des développements et des projets. Le partenariat et le réseau sont indispensables. Les retours d’expérience et conseils partagés au sein de la communauté élargie des acteurs de l’inclusion sont précieux. Le réseau comme celui de l’Inclusion Numérique de la Métropole participe activement au partage de bonnes pratiques, à l’interconnaissance des acteurs, et in fine à un meilleur accompagnement des publics.

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