Garder le lien social et accompagner ses publics à distance durant le confinement – L’initiative des centres sociaux connectés
Julien Dubois – Directeur de la stratégie de développement et du numérique chez Essteam. Essteam est un Groupe de développement, de recherche et de mise en œuvre d’actions d’innovation sociale en Hauts-de-France.
Mathias Borel – Coordinateur du projet centres sociaux connectés sur le croissant Sud de la métropole européenne de Lille. Le projet Centres Sociaux Connectés a commencé en 2017, dans 8 centres sociaux de la métropole de Lille. Leur but est d’améliorer la vie quotidienne et le pouvoir d’agir des habitants, adhérents, bénévoles et salariés de leurs territoires. WeTechCare a accompagné le projet dans ses dimensions liées à l’inclusion numérique.
Le soir du 16 mars, comme l’ensemble des français, les équipes des Centres Sociaux Connectés des Hauts de France et du groupe de développement Essteam apprennent le nouveau contexte sanitaire auquel ils vont devoir faire face. Julien Dubois et Mathias Borel reviennent sur leur adaptation au confinement, et plus particulièrement sur Mon Centre Social à la Maison, plateforme qui permet aux habitants des territoires de rester en contact avec leur Centre Social de référence.
WeTechCare : Comment avez-vous réagi à l’annonce du premier confinement ? Quelles actions avez-vous mis en place pour garder le lien avec les habitants ?
Mathias Borel – Au moment du confinement, nous avons assez vite pris le pli pour voir ce qu’on pouvait apporter à distance. C’est comme ça qu’est née la plateforme Mon Centre Social à la Maison. Une plateforme qui centralise plusieurs outils : des ressources pédagogiques et éducatives, des activités de loisirs à faire en famille, des activités sportives avec des lives vidéo à distance sur les réseaux sociaux et sur notre site web. Nous avons aussi mis en place de la médiation numérique à destination des habitants et des professionnels qu’on essayait d’outiller un maximum pendant cette période. La configuration du confinement est actuellement différente. Là où l’enjeu du premier confinement était le maintien du lien social, nous avons aujourd’hui encore la possibilité de maintenir ce lien en physique, il existe encore des points de contacts : les centres de loisirs et les écoles sont ouverts. L’un des enjeux est de voir ce que l’on peut proposer aux parents sur le sujet du suivi de la scolarité de leurs enfants.
WeTechCare : Quels sont les contenus qui ont rencontré le plus de succès sur votre plateforme ?
Mathias Borel – Les lives à distance sur les animations de loisirs : cuisine, magie, activités sportives, cours de langue. Ces activités ont été proposées en partenariat avec d’autres structures. Il y a eu une participation active de la part des habitants !
Julien Dubois – C’était vraiment comme un format d’émission de télé. Nous avons fait intervenir des habitants, cela rajoutait un truc supplémentaire. Ils se sentaient impliqués. Aussi, l’objectif était de privilégier des contenus à faire en famille pendant cette période pour permettre aux parents de prendre leur rôle éducatif.
WeTechCare : Par quels canaux les habitants étaient-ils informés pour participer à ces lives à distance ?
Julien Dubois – On centralisait tous les lives et les animations sur les canaux des centres sociaux connectés, la plateforme Mon Centre Social à la Maison et la page Facebook. L’idée était que tous les centres sociaux qui ont participé à la dynamique puissent relayer le live et inciter leurs adhérents à venir sur la plateforme.
Mathias Borel – Demain, nous aimerions utiliser davantage le SMS mais cela demande une gestion par centre social. Aussi, nous pourrions réfléchir à une communication en sens inverse : rassembler un maximum d’acteurs dans la création de contenus et les centraliser ensuite sur la plateforme ou sur la page Facebook. Le fait que ces contenus soient créés dans les centres sociaux permettra aux habitants de mieux identifier qui est derrière. Si je me mets à la place de l’habitant, je vais avoir beaucoup plus de facilité à aller voir un contenu à distance créé par une personne près de chez moi. Hier, nous avions une réunion avec tous les coordinateurs des projets centres sociaux connectés de la région. Nous avons évoqué Mon Centre Social à la maison et la grande majorité des acteurs sont partants pour y aller, ce qui représente plus d’une soixantaine de centres sociaux connectés.
WeTechCare : Avez-vous mis en place des actions de médiation numérique collective ou individuelle en distanciel synchrone ? Si oui, sur quels sujets ?
Mathias Borel – C’est arrivé à la marge. L’un des enjeux est d’améliorer la communication là dessus. Nous avons eu la possibilité, notamment avec Emmaüs Connect et la CARSAT, de faire du don ou du prêt d’équipement. Au moment où on remettait le matériel, on précisait que nous étions là pour proposer notre aide dans son utilisation. Mais cette aide n’a pas été très sollicitée.
Julien Dubois – Il pourrait être pertinent d’avoir un dossier ou des tutos préinstallés sur le matériel qui est donné. Aussi, certaines personnes ont peur d’avouer qu’elles ont besoin d ‘aide.
WeTechCare : On parle beaucoup d’accompagnement à distance, or il ne concerne qu’une partie des publics touchés par la fracture numérique. Avez-vous ou allez-vous mettre en place des actions pour ceux qui en sont le plus éloignés ?
Julien Dubois – Si on y réfléchit, la plateforme Mon Centre Social à la Maison peut renforcer la fracture numérique malgré toute la bonne volonté du monde. Aujourd’hui, si nous avons un confinement qui permet d’accueillir encore du public dans nos structures de proximité, il faut agir sur cet axe et rendre accessible les ressources aux publics les plus éloignés.
L’idée serait de mettre en place une approche territorialisée en se basant sur des structures de proximité qui peuvent encore accueillir du public dans cette période de confinement. Un médiateur dédié au territoire donnerait des cours à distance depuis un lieu physique. Cette formation serait diffusée en simultané dans les cyberespaces des structures, les tiers-lieux de médiation, et les centres sociaux qui peuvent encore accueillir du public. Les habitants pourront alors se connecter au même cours dans des endroits différents tout en bénéficiant du matériel, de la connexion et de l’aide de l’animateur numérique de leur quartier.
WeTechCare : Quelles sont vos principales recommandations aux structures qui souhaiteraient mettre en place de l’accompagnement à distance ?
Julien Dubois – Je conseille vraiment de travailler sur les enjeux de la mutualisation. En imaginant qu’il y ait cinquante plateformes qui s’ouvrent, c’est formidable parce que cinquante acteurs auront décidé de faire quelque chose sur le sujet. Par contre, si c’est sur un même territoire, c’est cinquante communications différentes à marteler aux gens qui ne comprendront pas et qui seront, au final, perdus. On peut faire de belles choses qui soient vraiment mutualisées et uniformisées en termes de communication. Aussi, pendant le confinement, nous avons mené des entretiens avec différents acteurs comme Emmaüs Connect ou Les assembleurs. Ces entretiens nous ont permis de comprendre que les autres acteurs pensaient la même chose que nous : autant mettre en commun plutôt que de faire chacun de façon séparée sa propre dynamique. Aujourd’hui on pense d’abord à entrer dans une dynamique d’urgence, on devrait prendre le temps de se poser et de se demander ce qu’on fait pour anticiper la suite. L’enjeu est de pouvoir développer des solutions à la fois sur du présentiel renforcé et du distanciel renforcé pour s’adapter à chaque contexte.
Ce que nous retenons de la rencontre :
– Créer du lien entre les structures de proximité
– Mutualiser les initiatives
– Développer un mix entre présentiel et distanciel
Nous remercions Julien et Mathias pour le temps qu’ils nous ont accordé.
Léa Courtois et Sarah Ouali – WeTechCare
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