« La quasi-totalité des produits et des services bancaires ne sont pas accessibles pour les personnes en situation de handicap » – Julien Delamorte, Handsome
Cet article sur l’accessibilité des services bancaires a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec La Banque Postale. Retrouvez d’autres articles sur l’inclusion financière et numérique ici !
Fin octobre, six associations – dont le Secours Catholique et Emmaüs France – publiaient un manifeste pour une inclusion financière universelle. Parmi leurs propositions pour universaliser l’accès aux moyens de paiement figuraient la garantie de « l’accessibilité physique aux infrastructures des banques des personnes en situation de handicap en adaptant les agences et les équipements ».
Qu’ils soient dématérialisés ou non, l’utilisation des services bancaires n’a rien d’évident pour les personnes en situation de handicap. C’est précisément le combat que mène Handsome, une néobanque créée en 2019, et qui entend « permettre aux personnes en situation de handicap de gérer leur quotidien bancaire depuis leur smartphone, via une carte bancaire connectée ».
Quels sont les obstacles rencontrés par les personnes en situation de handicap dans l’utilisation des services bancaires ? Comment le numérique peut-il y répondre ?
C’est avec ces questions – et d’autres – en tête que le média Les Bons Clics a échangé avec Julien Delamorte, fondateur d’Handsome.
Les Bons Clics : Quels sont les freins à l’usage des services bancaires (en ligne ou non) pour les personnes en situation de handicap ?
Julien Delamorte : Pour répondre à cette question, j’ai d’abord réalisé une cartographie de 200 produits et services bancaires pour analyser s’ils étaient accessibles aux personnes en situation de handicap. S’il existe de nombreux types de déficiences, on retient généralement 4 grandes familles, qui sont celles sur lesquelles notre enquête portait :
- Les déficiences auditives ;
- Les déficiences visuelles ;
- Les déficiences motrices ;
- Et les déficiences mentales (psychologiques ou psychiques).
La cartographie a révélé que la quasi-totalité des produits et des services bancaires ne sont pas accessibles pour les personnes présentant ces déficiences, et un produit ressortait en particulier : le moyen de paiement.
Par exemple, un déficient visuel ne pourra pas voir ce qu’affiche le terminal de paiement électronique (TPE) au moment de régler un achat. De même, les déficients moteurs, s’ils sont en fauteuil roulant, peuvent être trop bas pour parvenir à lire les informations du TPE. C’est en réalisant cela que nous avons commencé à travailler sur le sujet – qui concerne aussi les séniors en perte d’autonomie.
Les Bons Clics : Quelle est la réponse apportée par Handsome vis-à-vis de ces freins à l’accessibilité des services bancaires ?
Julien Delamorte : Nous avons réfléchi à une manière de vocaliser les informations du TPE, pour que ceux qui ne peuvent pas lire puissent les entendre.
Nos réflexions se sont d’abord portées sur le TPE lui-même, que l’on aurait pu distribuer dans les boutiques. Cela aurait toutefois rendu les déficients visuels et moteurs dépendants du bon vouloir des commerçants.
C’est donc pour rendre les personnes en situation de handicap actrices de leur inclusion que nous avons préféré travailler sur les cartes de paiement. Notre carte bancaire est connectée au smartphone de nos clients, permettant de vocaliser tout ce qui est écrit sur le TPE. Et pour les personnes dyslexiques, le texte est réécrit avec une police de caractère adaptée.
Demain, cela pourrait également signifier la traduction instantanée des informations des TPE du monde entier.
Mais l’accessibilité bancaire ne se limite pas à une carte. Nous avons également développé une application, disponible sur l’App Store, qui est conçue pour pouvoir être utilisée les yeux fermés.
Nous offrons également une assurance associée : elle couvre la casse, la perte et le vol des accessoires de mobilité et de handicap (ndlr : fauteuil roulant, prothèse auditive… l’assurance couvre des frais de 250 à 1600 euros), incluant le smartphone. L’assurance comprend aussi des services d’assistance, si un ascenseur est en panne par exemple, ou encore en cas de blessure. C’est une base pour toutes les personnes en situation de handicap, quelle que soit leur déficience.
Les Bons Clics : Comment une personne non-voyante, par exemple, peut-elle souscrire à l’offre d’Handsome ?
Julien Delamorte : C’est possible directement depuis l’application Handsome, ou bien auprès d’une banque partenaire (ndlr : la Société Générale et le Crédit Agricole). Nous souhaitons que notre offre soit à terme proposée par toutes les banques. La souscription coûte 9,90 euros par mois.
Les Bons Clics : La dématérialisation des services bancaires peut compliquer l’usage de ces services (relevés de compte, téléchargement d’un RIB, réalisation d’un virement…). Pour autant, Handsome semble mettre le numérique au service de l’inclusion. Pour vous, la dématérialisation est-elle un frein à l’accessibilité des services bancaires, ou au contraire une aubaine ?
Julien Delamorte : Je crois beaucoup à l’humain, et moins au 100% digital. Nous avons aujourd’hui une équipe de 4 personnes dédiée à la relation avec nos clients et, à terme, nous souhaitons faire le contraire de ce que tout le monde fait : ouvrir des agences.
La proximité et la connaissance des personnes est très importante. Le financement d’accessoires de mobilité est un bon exemple : les fauteuils roulants pour des personnes à mobilité réduite peuvent coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Les déficients moteurs peuvent donc être amenés à faire des chèques d’un montant considérable, sans avoir les fonds nécessaires au moment de l’achat. Pour le commerçant, cela veut dire donner un fauteuil sans savoir si la personne pourra payer par la suite. Pour la personne déficiente, cela peut engendrer des frais inutiles si le chèque est encaissé trop tôt.
C’est pour cela qu’il est important de travailler en proximité, de rencontrer les personnes et de communiquer avec elles.
1