Le numérique dans la lutte contre le surendettement
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec La Banque Postale, et fait partie d’une série d’articles destinés à accélérer l’inclusion financière par le numérique. Retrouvez les autres articles ici !
Plus de 108 000 dossiers de surendettement ont été déposés à la Banque de France en 2020, c’est-à-dire 24% de moins qu’en 2019. Ce déclin, qui s’inscrit dans la tendance à la baisse des six dernières années, surprend toutefois par son ampleur. Selon les déclarations de la Banque de France au Monde, cela s’explique notamment « par les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics (chômage partiel, aides ciblées aux familles aux revenus modestes ou aux bénéficiaires de minima sociaux), en complément d’une politique accommodante des établissements de crédit ».
Naturellement, la première vague de confinement a également eu un impact sur le nombre de dossiers déposés. En avril et mai 2020, la Banque de France a reçu environ trois fois moins de dossiers de surendettement que l’année précédente. Aussi l’institution s’avoue-t-elle « très attentive à l’évolution de la situation », notamment en raison d’une hausse enregistrée en décembre dernier, lorsque le dépôt de dossier est devenu réalisable en ligne.
Une option séduisante à en croire les premiers chiffres : sans aucune communication officielle de la Banque de France, il a suffi d’un mois pour que 400 dossiers aient été déposés depuis son site.
Le surendettement : une démarche lourde
Le surendettement correspond à « l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ». Dans cette situation, il est possible, gratuitement et depuis 1989, de recourir à une procédure de surendettement auprès de la Banque de France. Le déclarant doit alors remplir un dossier de surendettement, disponible en agence de la Banque de France ou sur son site, et le lui retourner.
Une fois le dossier déposé, il sera examiné par une commission de surendettement – il en existe au moins une par département – selon plusieurs critères : le volume des dettes, leur nature (sont exclues les dettes professionnelles), la situation familiale et professionnelle du déclarant, ainsi que sa bonne foi. La décision de la commission sera transmise dans les trois mois suivant le dépôt du dossier : si elle le juge irrecevable, le dossier sera clôturé, et le déclarant ne figurera plus dans le FICP (Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers) au titre du surendettement.
Si elle le juge recevable, le déclarant entrera en procédure de règlement ou d’effacement des dettes. A partir de cette date, le remboursement, par le déclarant, de ses crédits ou ses dettes est suspendu – dans la limite de deux ans, et à l’exception des pensions alimentaires, des amendes et des dommages et intérêts. En 2020, près de six dossiers sur dix se sont conclus par un effacement partiel ou total de dettes, de plus de 21 000 euros en moyenne.
Les conditions et prérequis pour déposer son dossier de surendettement en ligne
Pour déposer un dossier de surendettement en ligne, plusieurs conditions doivent être réunies. D’abord, le déclarant doit réaliser la procédure seul, c’est-à-dire sans co-déclarant, ainsi ne pas être sous tutelle ou curatelle. Le déclarant doit également disposer d’un compte FranceConnect, le service d’identifiant unique mis en place par l’Etat, et pouvoir joindre plusieurs justificatifs à son dossier, parmi lesquels figurent une pièce d’identité, un relevé complet de tous les comptes bancaires sur un mois, des fiches de paie, ou encore un courrier explicatif*. Les justificatifs à fournir dépendent en partie de la situation du déclarant, et peuvent être retrouvés sur le site de la Banque de France.
Pouvoir déposer un dossier de surendettement en ligne suppose donc de maîtriser plusieurs compétences numériques clés : disposer d’une adresse mail, créer un compte FranceConnect et s’y connecter, scanner des documents, les compresser – les fichiers joints ne doivent pas peser plus de deux mégaoctets –, les importer, etc. Et, au-delà des usages, cela nécessite du matériel (ordinateur, tablette ou téléphone) et une connexion à internet, deux prérequis non négligeables pour des publics amenés à réaliser des arbitrages financiers.
*L’Institut National de la Consommation met à disposition un modèle de courrier explicatif que vous pouvez transmettre à vos publics.
Accompagner et orienter vos publics dans cette démarche
Il peut être difficile d’identifier une personne en situation en surendettement. Les peurs d’être stigmatisé ou sanctionné peuvent par exemple dissuader les personnes concernées de se faire accompagner, d’autant plus qu’elles sont généralement isolées. Le dépôt d’un dossier de surendettement est en effet « souvent associé à la rupture d’une communauté de vie » (Banque de France). Aussi Denis Barbe-Massin, secrétaire général de l’association CRÉSUS Île-de-France, considère-t-il que l’accompagnant n’est pas là « pour juger [ses publics] mais pour les écouter et leur donner des astuces » (Le Parisien, 04/03/2021).
Une analyse que corrobore Ugo Paris, directeur de l’UDAF (Union Départementale des Associations Familiales) de la Manche, qui développe depuis 2013 une activité d’accompagnement des personnes en situation de surendettement. « Dans ces situations, la relation humaine compte. Rencontrer des personnes pour vous redonner confiance, c’est important », confie-t-il.
« Le confinement a fait basculer des situations très justes, comme si les trappes à pauvreté s’ouvraient très rapidement ».
Ugo Paris, directeur de l’UDAF de la Manche
Pour ce dernier, le contexte sanitaire actuel souligne l’intérêt de pouvoir déposer son dossier de surendettement en ligne. « Deux questions se posent néanmoins, précise-t-il. Celle de l’accès, et de l’existence indéniable de zones blanches, et celle de l’usage, de l’appréhension des outils mis à disposition ». Les outils numériques peuvent aider les publics s’ils sont pensés pour eux et selon ces deux modalités, à l’instar d’applications « simples et disponibles sur smartphone ».
Parmi ces outils figurent ceux dédiés à l’amélioration de la gestion budgétaire, à l’instar de PiloteBudget, Pilote Dépenses ou Budget Responsible. D’autres, certes moins maniables en autonomie, se centrent sur le diagnostic et l’aide à la prise de décision, à l’instar du calculateur d’endettement de La Finance Pour Tous ou le simulateur de la Fédération CRESUS. Aussi, le dépôt de dossier de surendettement fait partie des démarches réalisables grâce à Aidants Connect et ses mandats sécurisés.
S’intégrer dans l’écosystème local
Repérer et prévenir le surendettement requiert également de s’intégrer à l’écosystème local. C’est par exemple en sens que l’UDAF de la Manche s’est associé au Crédit Mutuel, lors d’une phase d’expérimentation d’un an qui visait à « accompagner les personnes que les conseillers bancaires repéraient ». Si les conseillers et les accompagnateurs de l’UDAF ont dû « apprendre à être efficaces à deux autour d’une même situation », leur collaboration a permis de mettre au jour des « situations d’une grande précarité dont rien ne transpirait ».
Ugo Paris précise que la banque et l’UDAF sont en passe de signer une convention officialisant leur partenariat, transformant au passage cette expérimentation en une activité rémunérée pour l’association. Pour rappel, les banques sont, depuis 2013, dans l’obligation de se doter d’un dispositif de détection précoce de la fragilité financière de leurs clients, et leur « proposer des solutions adaptées à la situation » (La Finance Pour Tous).
D’autres acteurs sont mobilisables à l’échelle territoriale, qu’il s’agisse des mairies, des écoles ou de structures spécialisées comme les centres sociaux, les associations de consommateurs ou les Points Conseils Budget (PCB). Le 3 février dernier, le gouvernement décomptait 400 PCB en France, avant d’annoncer que 100 autres structures allaient être labellisées d’ici à la fin de l’année 2021. Ces lieux d’accueil, portés par diverses structures, bénéficient d’un soutien annuel de 15 000 euros pour accompagner toute personne désirant des conseils gratuits et confidentiels dans la gestion de leur budget ou de leurs dettes.
L’année dernière, l’UDAF de la Manche a participé à l’appel à manifestation d’intérêt pour la labellisation de PCB. Aujourd’hui, le département compte trois PCB, dont deux sont pilotés par l’UDAF, l’un à Carentan et l’autre à Martinvast. Le premier est actif depuis mars : « cinq suivis ont été amorcés en un mois, dans un contexte sanitaire dur. On ignore encore si c’est peu ou beaucoup, mais on veut continuer à accentuer la mise en relation : avec les mairies, avec les directeurs et directrices d’école, … toutes ces personnes qui peuvent repérer facilement » les situations de surendettement.
C’est également pour cela que le PCB de Carentan a été implanté dans un espace France Services, qui est un lieu d’animation et de passage. A Martinvast, la recherche d’un lieu propice suit les mêmes critères, et l’ouverture officielle est prévue au début de l’été. Pour Ugo Paris, il faut toutefois fortifier le maillage du département en matière de points d’accueil, et l’UDAF de la Manche attend l’appel à projets de cette année pour candidater à nouveau, « en gardant toujours un œil sur la géographie du département ».
La Banque de France a également réalisé un tutoriel vidéo expliquant comment remplir (en version papier) un dossier de surendettement. Elle y détaille chacun des éléments demandés.
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