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« On ne peut pas dissocier le numérique de ce que l’on fait dans l’apprentissage du français » – Elsa Bonifay (RAPSOL3M)

Ce témoignage a été recueilli dans le cadre de l’accompagnement de WeTechCare auprès du CCAS de Montpellier et de Montpellier Méditerranée Métropole.

Le numérique et la dématérialisation des démarches administratives représentent un défi de taille pour les personnes ne maîtrisant pas la langue française. Le mois dernier, c’est pour les acteurs de l’inclusion numérique de la Métropole de Montpellier que WeTechCare, l’association derrière Les Bons Clics, organisait un atelier consacré à l’accompagnement des publics en fragilités numérique et linguistique.

Depuis 2013, le RAPSOL3M (Réseau des Associations de Proximité Sociales et Linguistiques de Montpellier Méditerranée Métropole) rassemble 15 associations spécialisées dans l’enseignement de la langue française pour l’insertion sociale et professionnelle des apprenants. En 2021, ce sont ainsi plus de 1000 apprenants qui ont été accompagnés par plus de 80 bénévoles et 23 salariés.

Dans un contexte de dématérialisation, les associations du réseau ont engagé des groupes de travail sur l’accès aux outils numériques et sur l’intégration du numérique dans les pratiques d’accompagnement.

Comment le numérique peut-il se mettre au service de l’apprentissage du français et, inversement comment apprendre le français peut-il contribuer à l’inclusion numérique des apprenants ?

C’est avec ces questions – et d’autres – en tête que le média Les Bons Clics s’est entretenu avec Elsa Bonifay, responsable de l’action linguistique de l’Association Gammes (acteur majeur de l’action sociale et médico-sociale de Montpellier depuis plus de 70 ans) et membre du comité de représentation du réseau RAPSOL3M.

Photographie du café linguistique de RAPSOL3M.
Photographie du Café Linguistique du RAPSOL3M : Accès à la langue et numérique, quelles offres pour quels publics ? (Avril 2022) –©RAPSOL3M

Les Bons Clics : Pourquoi avoir créé le réseau RAPSOL3M et quels sont les publics accompagnés par les associations membres ?

Elsa Bonifay : Le réseau RAPSOL3M a été créé  par les associations en lien avec le Service Politique de la ville de la Métropole de Montpellier : il y avait un besoin fort de connaître les offres proposées par les associations.

Ces dernières peuvent, grâce au réseau, apporter une cohérence dans les services proposés, à la fois pour les publics et les prescripteurs, mais aussi aux yeux des financeurs – à savoir la ville, la Métropole, la région, l’État et la CAF.

Il s’agissait également pour les associations de construire une culture commune sur les questions relatives à l’apprentissage du français et de favoriser l’inscription des apprenants dans des parcours linguistiques grâce aux outils numériques.

Via le réseau RAPSOL3M, nous accompagnons des personnes allophones, isolées, primo-arrivantes, bénéficiaires des minima sociaux, ou avec des situations administratives en cours.

A l’origine, notre méthodologie s’appuyait sur le FLE (ndlr : français langue étrangère) dans un but culturel, professionnel ou encore touristique. Puis l’Etat a mis en place le FLI (ndlr : français langue d’intégration) enseigné à un public désireux d’obtenir la nationalité française qui semble plus adapté et pérenne pour nos apprenants, et dont les associations du réseau essayent le plus possible de se rapprocher.

Les Bons Clics : Le réseau RAPSOL3M porte depuis sa création des actions variées de formation linguistique. Quand et pour quelles raisons avez-vous commencé à vous intéresser à la place du numérique dans vos ateliers linguistiques ?

Elsa Bonifay : Avec la crise sanitaire en 2020, chaque structure de son côté s’est tournée vers le numérique pour maintenir le lien avec son public. A l’époque, tout le monde se demandait comment poursuivre les accompagnements dans un contexte de restrictions de déplacement.

Nous avons mené une enquête au sein des associations membres du réseau pour observer leur manière de fonctionner à distance et les difficultés engendrées par ce type d’accompagnement. Cela nous a permis de nous rendre compte que la moitié des structures disposaient d’un médiateur numérique, 70% menaient des actions autour du numérique (initiation informatique, ateliers thématiques, accès aux droits, …) et 40% des structures animaient ces ateliers en partenariat avec des lieux d’accès multimédia ou des médiathèques, en utilisant leurs ressources en ligne et les outils numériques comme les tablettes.

« Nous nous sommes rendu compte que la fracture numérique touchait à la fois nos apprenants et nos intervenants linguistiques, qui sont essentiellement bénévoles ».

Le réseau s’est alors mobilisé pour échanger des bonnes pratiques, des ressources et des outils pertinents, et pour répondre à des appels à projet pour du financement de matériel informatique – qui n’a malheureusement pas abouti.

Nous avons également co-créé une formation avec le CRIA34 (Centre de Ressources Illettrisme Alphabétisation) intitulée « utiliser les outils numériques à l’écrit et à l’oral », et avons organisé un café linguistique autour du numérique et de l’apprentissage du français.

Les Bons Clics : Constatez-vous un enjeu d’inclusion numérique particulier aux publics que vous accompagnez ?

Elsa Bonifay : L’enjeu de la maîtrise du numérique se retrouve dans tous les domaines de la vie quotidienne. On retrouve ce même enjeu dans l’apprentissage du français.

Quand nous utilisons la méthode FLI, nous nous rendons compte que le numérique est un passage obligatoire pour amener nos apprenants vers l’autonomie. Cela concerne bien sûr les démarches administratives, mais aussi la parentalité avec l’utilisation de Pronote que le corps enseignant emploie systématiquement maintenant, la santé, le bancaire… Pour s’intégrer durablement, le numérique devient essentiel dans les parcours de formation de nos apprenants.

« Tout est lié, on ne peut pas dissocier le numérique de ce que l’on fait dans l’apprentissage du français. »

Les Bons Clics : Vos publics viennent pour apprendre le français. Comment réagissent-ils quand ils voient que vous allez aussi les former sur le numérique ?

Elsa Bonifay : Les apprenants sont volontaires et très demandeurs de ces temps consacrés au numérique. Au sein de l’association Gammes, membre du réseau RAPSOL3M, les personnes poussent la porte pour des ateliers linguistiques, et nous leur proposons de participer à un module complémentaire d’apprentissage du numérique appelé « outils du quotidien ».

Ce module a été créé autour de 10 séances dans lesquelles l’apprenant découvre l’ordinateur (ou le smartphone), fait ses premiers pas sur internet, prend en main le téléphone, rédige un mail, accède à ses droits, se déplace, et apprend à repérer les dangers d’internet. Certains apprenants reviennent participer à l’atelier numérique deux, voire trois fois.

Nous nous basons toujours sur les besoins du groupe : la 1ère séance s’articule en effet autour d’un diagnostic et d’une évaluation des besoins. Cela nous permet aussi d’avoir un point de repère pour l’évaluation à la fin des modules lors d’une phase de bilan.

Nous accompagnons également les apprenants sur la compréhension et l’achat de forfait internet. Beaucoup de publics allophones utilisent des cartes prépayées qui leurs sont très coûteuses. Nous leur montrons qu’ils peuvent avoir accès à des forfaits internet à bas prix.

L’association ADAGES, membre du réseau RAPSOL3M, a contribué au chantier « Comment accompagner les publics [ndlr : allophones, apprenant la langue française] sur le numérique ? », notamment en initiant les apprenants à des outils et applications sur tablette pour l’apprentissage de la langue.

« En plus d’être ludiques, ces ateliers ont permis aux participants de prendre confiance en eux et nous avons vu un réel engouement à utiliser les outils numériques ! »

L’approche est en effet plus douce que de commencer par une démarche administrative souvent peu attrayante.

Les Bons Clics : Accompagnez-vous vos salariés en difficulté avec le numérique ? Si oui comment ?

Elsa Bonifay : Au sein du Pôle aide et soin à domicile de Gammes, nous nous sommes rendu compte que l’utilisation des boîtes mail (ouvrir un mail, le consulter, répondre…) et des outils numériques de base n’étaient pas maîtrisées par les salariés, ce qui complique les communications dans les équipes.

Ces métiers sont aussi itinérants car l’aide à domicile implique des déplacements dans Montpellier, et donc la capacité à utiliser un GPS est un atout. Une bénévole de l’association est en train de proposer un module d’e-learning sur Google Maps, le GPS et les outils de communication.

Nous utiliserons ce parcours de formation comme support en présentiel lors de l’intégration des salariés qui ont des difficultés avec la langue. L’outil sera donc réalisé avec moins de texte, du vocabulaire simplifié et une possibilité de suivre la formation en audio. Cette bénévole est une professionnelle dans ce domaine, ce module est très attendu par les équipes !


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